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contrées d’une étendue médiocre et modérément boisées. Le simple fait qu’il existe dans la forêt primitive une infinité de fruits délicieux à l’état sauvage, fruits que les Indiens n’ont jamais songé à cultiver, prouverait, contrairement à ce système ethnologique, que leur stupidité native, plutôt encore que le manque de ressources matérielles, les a privés de ces énergiques moyens de civilisation. Il existe une sorte de riz qui pousse de lui-même sur les bords de presque tous les affluens des Amazones, et que les Indiens ne se sont jamais appliqués à cultiver pour leur usage, bien qu’ils aient adopté la plante congénère introduite chez eux par les Européens. »


II.

Ces questions si délicates, que nous nous contentons d’indiquer sans chercher à les résoudre, donnent un certain prix aux observations de M. Bates sur les mœurs et le naturel des peuplades sauvages avec lesquelles ses excursions l’ont mis en contact. Toutes appartenaient probablement à la grande nation Tupi ou Tupinamba, qui fut chassée au XVIe siècle, par les premiers colons portugais, de la partie des côtes qui avoisinent Pernambuco. Maintenant on ne retrouve presque plus de traces des Tupis aborigènes, et leur dispersion a produit des hordes ou tribus diverses qui diffèrent de langage, de mœurs, et se montrent parfois très hostiles les unes aux autres. Ce sont les Mundurúcus, les Múras, les Mauhès, les Passès, qui fournissent toutes, par échantillons, à la population des divers municipes amazoniens, quelques familles à demi civilisées.

Les plus redoutables sont les Múras, qui résident, avec les Araras elles Parentintins, vers le bas de la rivière Madeïra[1]. On les dit généralement paresseux, voleurs, infidèles à leur parole, féroces même au besoin. Ils ont pour les habitudes régulières, le travail à heures fixes et le service des blancs, une répugnance plus grande qu’aucune autre classe d’Indiens. Tous ces défauts cependant ne sont que l’exagération des instincts naturels à l’homme rouge du Brésil, et ne prouvent nullement que les Múras aient une autre origine que les tribus agricoles provenant de la nation Tupi. C’est un rejeton dégradé du même rameau, dégradé, selon M. Bates, par un long séjour dans ces forêts inondées qui portent le nom de « terres Ygapo. » Ce séjour a condamné les Múras à mener la vie de pêcheurs nomades, étrangers à l’agriculture et à tous les autres arts pratiqués par leurs voisins. Ils ne construisent pas d’habitations solides et fixes, mais vivent par familles ou petites hordes sé-

  1. La rivière Madeïra, qui entoure un des côtés de l’île Tupinambarana, se jette dans le fleuve des Amazones bien au-dessus de la rivière Tapajos, et un peu au-dessous du Rio-Negro.