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combiner de la manière la plus heureuse les principes de la centralisation et du self-government local. Pour conduire la nation qu’il régit à une grande prospérité, ce régime n’exige qu’un certain degré d’intelligence et de moralité auquel rien n’empêche les Brésiliens de parvenir.

Le séjour du naturaliste anglais sur les bords du Pará et du fleuve des Amazones pourrait se diviser en trois époques. Pendant la première, qui comprend les années 1848-1849, il rayonna autour de Pará, d’abord sur la rivière des Tocantins, dont il remonta le cours jusqu’aux cataractes des Guaribas, puis le long de la côte sud-orientale de la grande île de Marajo, en face de laquelle il s’arrêta pour visiter Caripi, et enfin à Cametá, ville de quelque importance, située sur la rive gauche des Tocantins. La seconde période, dans laquelle nous comprenons un voyage préliminaire vers Obydos et jusqu’à la barra du Rio-Negro, c’est-à-dire le point où ce dernier fleuve se jette dans celui des Amazones, embrasse tout le temps de sa résidence à Santarem; c’est alors qu’il fit un voyage d’exploration en remontant la rivière des Tapajos. La troisième enfin (quatre ans et demi) est celle où, prenant pour quartier-général la petite ville d’Ega, il remonta cette portion supérieure du fleuve des Amazones qui porte le nom de Solimoëns. Il arriva dans cette direction jusqu’à Tabatinga, c’est-à-dire fort près du point où le Brésil confine au Pérou. Les contrées qu’il traversa pendant cette dernière partie de ses longues excursions sont à peu près inconnues, et portées comme telles sur les meilleures cartes de géographie. Il fallut au savant voyageur tout l’enthousiasme, tout le dévouement que communique aux âmes d’élite la soif des conquêtes civilisatrices, pour lui faire supporter les privations, les dangers et les ennuis d’un séjour aussi long dans ces régions presque inexplorées. Il en a été récompensé par l’acquisition d’un véritable trésor zoologique dans lequel figuraient huit mille espèces non encore décrites[1]. Quel

  1. Voici l’énumération approximative que M. Bates donne des espèces qu’il a pu réunir dans les diverses classes d’animaux : mammifères, 52 ; — oiseaux, 360; — reptiles, 140; — poissons, 120; — insectes, 14,000; — mollusques, 35; — zoophytes, 5. — Total, 14,712. «A l’heure qu’il est, poursuit-il avec un orgueil légitime, nombre de savans en Europe sont occupés à les décrire. Les mammifères nouveaux, en bien petit nombre, ont été dénommés par le docteur Gray, les oiseaux par le docteur Sclater, les zoophytes par le docteur Browerbank ; enfin les nouveautés bien plus nombreuses que j’ai rapportées en fait de reptiles et de poissons font l’objet d’une publication qui se poursuit sous le contrôle du docteur Günther. » Le sort des collections considérables formées par M. Bates doit malheureusement laisser un regret aux naturalistes : c’est qu’aucun assortiment complet des espèces appartenant à chaque genre n’ait été conservé quelque part. Le British Museum lui-même ne possède pas la moitié du nombre total des espèces recueillies. On ne pourra donc pas étudier d’ensemble certains groupes caractérisant la faune d’un pays qui ne sera peut-être pas exploré de nos jours au même point de vue.