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tion des dunes a fait disparaître ces blouses ou mouvans dont la description se trouve dans tous les ouvrages consacrés à la région des landes. Lorsque le sable apporté par le vent tombait avec régularité sur la nappe d’une eau dormante et couverte d’écume visqueuse, il formait souvent une couche ténue voilant complètement aux regards l’eau qui le portait. Quelquefois cette couche devenait assez compacte pour se maintenir en équilibre même lorsque le niveau de la mare baissait au-dessous d’elle, et bientôt les molécules de sable, séchées par les rayons solaires, ne trahissaient plus l’existence du piège caché. Les pâtres, les animaux, qui mettaient le pied sur la surface de la blouse s’engouffraient tout à coup plus ou moins profondément, et les eaux de la mare refluaient autour d’eux. D’ordinaire ils en étaient quittes pour l’émotion. Peu à peu le sable croulant se tassait au-dessous d’eux ; ils laissaient le fond se consolider, puis, levant tranquillement une jambe, ils attendaient qu’une espèce de marche se fut formée, et montaient ainsi de degré en degré comme par un escalier. De nos jours, ces accidens ne sont plus à craindre : le sable ne voyage plus, et les mares, absorbées par le chevelu des racines, ont cessé d’exister.

Puisque les dunes, composées de sable mobile et presque pur, ont pu se couvrir de hautes forêts, on ne doit pas s’étonner que les bruyères des landes puissent être remplacées par des arbres et des plantes cultivées. De tout temps les magnifiques avenues de chênes et les champs fertiles qui entourent les rares villages de la zone des étangs donnaient une preuve de ce que pourrait un jour devenir le triste désert des landes, si l’on prenait la peine de l’assainir et de le mettre en culture ; malheureusement la rareté de la population, les fièvres endémiques, l’apathie traditionnelle des habitans, leur ignorance profonde et la crainte légitime qu’avait le paysan de voir un jour les sables engloutir ses travaux, toutes ces causes réunies empêchaient l’extension du domaine agricole. Après la fixation des premières dunes, quelques propriétaires et même des associations de capitalistes firent des tentatives isolées pour transformer en forêts et en champs cultivés les vastes étendues de bruyères où paissaient à grand’peine de maigres troupeaux de brebis ; mais les résultats obtenus ne répondirent pas à la grandeur des efforts. C’est qu’on avait commencé par employer la meilleure partie des capitaux à la construction de maisons, d’entrepôts et de granges, puis, quand on avait daigné s’occuper du sol, on l’avait traité comme celui des contrées limitrophes, en le cultivant de la même manière et en lui demandant les mêmes produits. La rareté des travailleurs, le manque presque absolu d’engrais, la difficulté des transports, avaient fait échouer la culture des céréales. Les semis de chênes et de pins n’avaient guère mieux réussi. En hiver et au printemps, la