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ils devraient se trouver à 5 ou 6 mètres de hauteur environ. Il est probable que cet affaissement du sol est dû à l’énorme poids des dunes qui l’ont comprimé pendant des siècles; peut-être aussi les sables sous-jacens ont-ils été peu à peu entraînés dans la mer par l’infiltration des eaux de pluie.

Avant de recouvrir ces campemens dont on voit les vestiges à la Négade, à Hourtin, à Matoc, la zone des dunes reposait donc tout entière sur un terrain qui est actuellement devenu la proie de l’Océan. Toute la région du littoral était en marche vers l’est : les étangs débordés poussaient les villages devant eux; les dunes empiétaient sur les étangs; derrière les dunes venait la mer, rongeant la plage. Maintenant encore, bien que les progrès des étangs et des dunes soient définitivement arrêtés, ceux de l’Océan continuent sans relâche, ainsi qu’on peut s’en convaincre facilement en regardant les talus extérieurs des premières dunes du littoral. Au lieu de s’élever en pente douce, comme l’exige la théorie[1], ces talus forment le plus souvent un angle de 45 degrés avec l’horizon, et l’on ne peut les gravir directement sans risquer d’être englouti par les sables croulans. Cette forte inclinaison des pentes extérieures ne peut être attribuée qu’à l’action de la mer, qui vient les saper par la base et gagne incessamment sur les terres. Un vieil habitant d’Hourtin évalue à 80 mètres environ la conquête opérée depuis quarante ans par les eaux marines. Sur la plage, on rencontre partout des masses d’alios et d’argile qui constituaient le sous-sol des landes, et que les vagues envahissantes arrachent maintenant du fond de la mer. Si la pente occidentale du plateau landais gardait au-delà des étangs son inclinaison moyenne, le rivage serait reporté en pleine mer à plusieurs kilomètres à l’ouest de la plage actuelle, et continuerait au sud de la Gironde la côte rectiligne de la Saintonge. Il est à peu près certain que telle était autrefois la disposition du littoral entre l’embouchure du fleuve et l’entrée du bassin d’Arcachon, car les sondages opérés dans le golfe prouvent que, sauf l’espèce de degré rapide formé par la côte actuelle, le fond de la mer continue à peu près la pente moyenne de la terre ferme. Les dunes ne sont qu’un bourrelet placé sur la ligne de contact des deux parties, maritime et continentale, d’un même terrain géologique.

D’après Brémontier, qui admettait une vitesse annuelle de 20 mètres pour la marche des dunes, un laps de 500 années eût suffi pour le voyage des sables de l’ancien rivage à la zone actuelle des étangs.

  1. Un géologue qui a longtemps et sérieusement étudié les dunes de la Gironde, M. Raulin, a trouvé que la pente occidentale des dunes dont la base n’est pas rongée par la mer est en moyenne de 7 à 12 degrés. La pente orientale est de 29 à 32 degrés, c’est-à-dire trois fois plus forte; elle serait de 45 degrés, si les pluies ne ravinaient les talus et n’en prolongeaient ainsi la pente.