on est obligé de marcher sur un sable mobile qui cède sous les pas; à marée basse, on peut cheminer sur le sable durci du bord; mais à l’extrémité des anses, là où le sol est sans cesse remué par les vagues entrechoquées, on risque parfois de tomber dans des fondrières de vase semi-fluide, et l’on doit se jeter à plat ventre et ramper dans le sable perfide pour ne pas être englouti. Lorsque le vent souffle avec violence, ce qui arrive très souvent dans ces parages, il faut garantir avec soin ses mains et sa figure, sous peine d’être tour à tour mouillé par un brouillard d’écume et piqué par des milliers de grains de sable. L’uniformité du paysage est complète. On a beau se hâter, on croirait à peine changer de place, tant l’aspect des lieux reste immuable : toujours les mêmes dunes, les mêmes coquillages épars sur le sable, les mêmes oiseaux assemblés par milliers sur le bord des lagunes, les mêmes rangées de brisans qui se poursuivent et viennent dérouler à grand bruit leur nappe écumeuse. Dans tout le champ de la vue, les seuls points de repère sont les membrures de vaisseaux naufragés qu’on distingue de loin sur la blancheur du sable. Pour agrandir l’horizon et varier un peu le spectacle, il faut de temps en temps escalader quelque monticule d’où l’on puisse contempler les forêts de pins et ces étonnantes chaînes de dunes que le vent a soulevées graduellement, et qui couvrent aujourd’hui, de la pointe de Grave à Bayonne, une superficie de près de 90,000 hectares.
La théorie de la formation des dunes étant en général assez imparfaitement connue, il n’est pas inutile de l’exposer ici rapidement. Les courans qui longent la côte des landes poussent incessamment devant eux les débris d’innombrables rochers réduits à l’état de sable fin par l’éternel mouvement des eaux. Les brisans remuent constamment le fond mobile du bord, se chargent de ces matières arénacées et les étalent en minces nappes sur l’estran; à marée basse, les molécules de sable s’allègent peu à peu de leur humidité, cessent d’adhérer les unes aux autres et se laissent emporter vers la terre par le vent du large : ce sont là les matériaux des dunes. Si la plage des landes se redressait vers l’intérieur du continent d’une manière parfaitement unie, ce sable, rejeté par les vagues au-dessus du niveau marin et reporté au loin par les bouffées successives du vent, s’étendrait sur le sol en couches d’une épaisseur uniforme; mais les inégalités de la surface empêchent qu’il en soit ainsi. Des épaves, des plantes aux racines tenaces font saillie au-dessus de la plage et s’opposent à la marche du vent, qui glisse sur le sol en entraînant les grains de sable restés à sec. Ces faibles obstacles suffisent pour déterminer la naissance des dunes en obligeant la brise à laisser tomber le petit nuage de poussière arénacée ou calcaire dont elle est chargée. L’horizontalité de la plage est ainsi rompue : les ran-