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et des autres pays du nord. Cet étrange contraste donne au ciel de cette partie de la France un aspect d’une douceur et d’une mélancolie toutes particulières.

Dans la lande rase, on peut étudier la nature du sol plus facilement qu’ailleurs, car là elle n’a pas encore été modifiée par les engrais, les amendemens et tous les travaux de la culture. Sur de vastes étendues, le terrain superficiel des landes paraît être composé de sable blanc et presque pur; mais en général le sol est fortement mélangé de débris végétaux qui lui donnent une couleur grise ou noirâtre semblable à celle des cendres de charbon. Quand on remue cette terre par la bêche ou la charrue, elle répand une poussière subtile que les paysans landais appellent haziou, et qui recouvre comme d’un enduit noirâtre les mains et le visage des cultivateurs. Dans les terrains les plus secs du plateau, le sol devient une excellente terre de bruyère; il est tourbeux ou même remplacé par de véritable tourbe dans les dépressions souvent inondées ou sur le bord des ruisseaux marécageux qui interrompent le plan presque horizontal des landes. L’épaisseur de cette terre végétale varie beaucoup, elle est en général faible sur les parties élevées du plateau et considérable dans les bas-fonds; elle ne dépasse guère en moyenne un demi-mètre.

Au-dessous de la couche de sable pur ou mélangé qui forme la surface du sol s’étend une strate de sable agglutiné ayant le plus souvent la couleur de la rouille et présentant une grande analogie d’aspect avec un grès ferrugineux. Ce sable compacte, connu dans les landes du Médoc sous la dénomination d’alios, doit sa couleur et sa dureté à l’infiltration continuelle des eaux de pluie, qui entraînent dans le sol des substances organiques en dissolution et les mélangent intimement avec les molécules arénacées. D’ordinaire l’alios, malgré son apparence ferrugineuse, ne renferme qu’une proportion presque inappréciable d’oxyde de fer. Lorsqu’on le jette dans la flamme, on le voit se carboniser lentement, puis se réduire en cendres; cependant en certains endroits, surtout dans les marécages, où se forme spontanément le fer limoneux, la couche sous-jacente d’alios se change graduellement en un véritable minerai de fer. D’ordinaire le banc d’alios, qui est presque toujours d’autant plus dur qu’il est moins épais, reste complètement imperméable aux eaux comme une assise rocheuse, et prévient tout échange de gaz et d’humidité entre les strates de sable ou d’argile qu’il recouvre et la terre qui lui est superposée. Retenue par cette couche continue d’alios, l’eau de pluie doit nécessairement séjourner sur le sol, et pendant la saison pluvieuse la surface des landes serait changée en un immense marécage, si l’on n’avait eu depuis le