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pierre. — Et, voyant de loin Jésus, il courut et se prosterna devant lui, — et cria de toute sa force : Qu’y a-t-il entre toi et moi, Jésus, fils du Dieu très haut ? je t’en conjure par lui, ne me tourmente pas. — Et Jésus lui dit : Sors de cet homme, toi, l’esprit impur. — Et il ajouta : Quel est ton nom ? Et il répondit : Mon nom est Légion, car nous sommes beaucoup. — Et il le suppliait avec instance de ne pas le chasser du pays. — Et il y avait là, sur la montagne, un grand troupeau de cochons qui paissaient. — Et les démons lui disaient en le suppliant : Envoie nous dans ces cochons que nous entrions en eux. — Et Jésus le leur permit. Et les esprits impurs sortirent et se jetèrent dans les cochons. Et tout le troupeau se précipita de la hauteur dans la mer. Et il y en avait environ deux mille qui furent noyés dans la mer. — Ceux qui les faisaient paître s’enfuirent et en portèrent la nouvelle dans la ville et dans les campagnes, et on accourut pour voir ce qui était arrivé. — Et ils viennent à Jésus, et ils voient le possédé qui se tenait assis, vêtu et tranquille, qui tout à l’heure avait en lui celui qui s’appelait Légion. — Et ceux qui l’avaient vu leur racontèrent ce qui était arrivé au possédé et aux cochons. — Et ils se mirent à le prier de sortir de leur pays. »


M. Renan pensait évidemment à cette scène quand il a écrit : « On racontait au sujet de ses cures mille histoires singulières, où toute la crédulité du temps se donnait carrière ; » mais il ne faut pas craindre de citer tout au long de pareilles choses : elles empêchent l’imagination de se méprendre. Elles font toucher au doigt le milieu de grossièreté barbare où Jésus était plongé ; elles montrent que les plus grands hommes, comme il a été dit si bien, ont les pieds aussi bas que les autres, quoiqu’ils aient la tête plus élevée ; elles guérissent l’illusion du divin.

Je trouve une page très remarquable où cette illusion va jusqu’à dire que dans Jésus la raillerie aussi est d’un dieu et laisse toute raillerie humaine loin derrière elle, même celle de Molière ou de Platon. Je m’étonne que l’auteur ait oublié ici les Provinciales, elles seules peut-être pouvaient soutenir la redoutable comparaison qu’il institue. Elles n’ont pas frappé moins fort sur les jésuites que l’Evangile sur les pharisiens, et les uns comme les autres en portent la marque ineffaçable. Je ne puis donc croire, quant à moi, qu’il puisse y avoir jamais un homme qui soit avec le reste des hommes hors de proportion. Je ne crois pas même qu’aucun homme puisse être appelé le plus grand des hommes, car cela est trop difficile à mesurer, et il n’y a guère de supériorité absolue. J’ajoute que plus je suis touché de Jésus et me sens pour lui et pour son œuvre de vénération et d’amour, plus aussi je le retiens obstinément près de moi et à ma portée, et ne puis consentir qu’on l’éloigne de nous tous à cette distance infranchissable où il ne nous appartiendrait plus. Il n’est plus même un exemple, s’il devient inimitable, et si on ne peut lui dire