volution redoutée et suspectée des uns, avidement désirée des autres, et ayant cela de particulier, qu’étant conçue comme surnaturelle, elle autorisait des espérances sans raison comme sans mesure, et n’avait aucunement besoin d’être préparée pour être attendue. Les spéculatifs pieux s’en remettaient au Seigneur de choisir son jour, mais le grand nombre devançait le signal par ses impatiences. De là des insurrections comme celle de Juda le Galiléen, prédécesseur violent de Jésus, et qui était du même pays.
M. Renan a peint avec amour la Galilée. Il a appris de Josèphe ce qu’elle était autrefois ; il sait par lui-même ce qu’elle est aujourd’hui, ce qu’elle a dû être toujours. Il a suivi les traces de Jésus sur les lieux, autant du moins qu’on peut les suivre, car il nous apprend combien elles sont effacées : « Il est douteux qu’on arrive jamais, sur ce sol profondément dévasté, à fixer les places où l’humanité voudrait venir baiser l’empreinte de ses pieds. » Il a vu le lac de Tibériade et sa pentapole, et il a rendu ce qu’il voyait dans des pages dont on ne peut s’empêcher de détacher quelque chose. « Le lac, l’horizon, les arbustes, les fleurs, voilà donc tout ce qui reste du petit canton de trois ou quatre lieues où Jésus fonda son œuvre divine. Les arbres ont totalement disparu. Dans ce pays où la végétation était autrefois si brillante que Josèphe y voyait une sorte de miracle, — la nature, suivant lui, s’étant plu à rapprocher ici côte à côte les plantes des pays froids, les productions des zones brûlantes, les arbres des climats moyens, chargés toute l’année de fleurs et de fruits ; — dans ce pays, dis-je, on calcule maintenant un jour d’avance l’endroit où l’on trouvera le lendemain un peu d’ombre pour son repos. Le lac est devenu désert. Une seule barque dans le plus misérable état sillonne aujourd’hui ses flots, jadis si riches de vie et de joie ; mais les eaux sont toujours légères et transparentes. La grève, composée de rochers ou de galets, est bien celle d’une petite mer, non celle d’un étang, comme les bords du lac Huleh. Elle est nette, propre, sans vase, toujours battue au même endroit par le léger mouvement des flots. De petits promontoires, couverts de lauriers-roses, de tamaris et de câpriers épineux, s’y dessinent ; à deux endroits surtout, à la sortie du Jourdain, près de Tarichée, et au bord de la plaine de Génésareth, il y a d’enivrans parterres, où les vagues viennent s’éteindre en des massifs de gazon et de fleurs. Le ruisseau d’Aïn-Tabiga fait un petit estuaire plein de jolis coquillages. Des nuées d’oiseaux couvrent le lac. L’horizon est éblouissant de lumière. Les eaux, d’un azur céleste, profondément encaissées entre des roches brûlantes, semblent, quand on les regarde du haut des montagnes de Safed, occuper le fond d’une coupe d’or. Au nord, les ravins neigeux de l’Hermon se découpent