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des guérillas, tandis que Mithridate est appelé un sultan, le lieutenant du roi des Parthes son vizir, et Pompée un caporal. Il peut y avoir là bien des exagérations, et M. Mommsen n’est pas homme à faire les choses à demi ; mais il faut reconnaître aussi que ces assimilations hardies, en nous faisant les contemporains de cette antique histoire, la rendent pour nous singulièrement vivante.

Une des parties les plus remarquables du livre de M. Egger est celle qui contient les quelques mémoires où il essaie de lire et d’expliquer des papyrus égyptiens. Pour faire comprendre l’importance de ces travaux, il faut donner quelques indications rapides.

Notre siècle s’est fait remarquer en toutes choses par une incroyable curiosité d’esprit. Dans l’érudition, cette curiosité, s’est trahie par les efforts qu’on a faits pour découvrir des textes nouveaux. Depuis le XVe siècle, cette ardeur de découvertes qui fit la gloire de la renaissance s’était fort attiédie, et l’on se contentait d’expliquer et de commenter les auteurs anciens qu’on possédait. Ils ne nous ont pas suffi, et nous avons voulu en trouver d’autres. Ce serait une histoire intéressante, et qui nous ferait honneur, que le récit de tous les essais qu’on a tentés de nos jours et des prodiges d’invention qu’on a imaginés pour enrichir de quelques pages ou seulement de quelques lignes le trésor littéraire qui nous vient de l’antiquité. Nous avons beaucoup fait nous-mêmes : le hasard a fait plus encore. D’abord, à la fin du siècle dernier, la découverte d’une bibliothèque parmi les ruines d’Herculanum donna aux savans de grandes espérances qui ne se sont pas toutes réalisées. Le malheur a voulu que cette bibliothèque fût celle d’un épicurien entêté qui ne s’est soucié de recueillir que les ouvrages des philosophes de sa secte. Ces livres, si péniblement déroulés et déchiffrés, ne se sont trouvés contenir qu’une sorte de scolastique ennuyeuse et des démêlés éternels avec les stoïciens. C’était une déception. Heureusement que nous avons eu, peu de temps après, pour nous consoler, la découverte des palimpsestes de Milan et les travaux du cardinal Maï. On sait comment cet infatigable philologue parvint à lire dans des manuscrits grattés, et au-dessous de traités théologiques, des lignes anciennes et imparfaitement effacées. C’est ainsi qu’il nous rendit les lettres de Fronton et de Marc-Aurèle, les fragmens des plaidoyers de Cicéron et de sa République. Toutefois les palimpsestes ne sont pas inépuisables. Quand on eut achevé de déchiffrer ceux qui se laissaient lire, il fallut bien se tourner d’un autre côté. Les bibliothèques de l’Europe, étudiées par tous les savans depuis quatre siècles, ne pouvaient plus contenir de trésors cachés ; on eut l’idée de fouiller celles des monastères de l’Orient ; mais la moisson ne fut pas très riche, car on ne tira guère du mont Athos que le fabuliste Babrius, et ce n’était pas grand’chose. Cette fois il semblait bien que tout était fini et qu’il n’y avait plus d’espoir de rien trouver de nouveau, quand il arriva de l’Egypte, mieux explorée, un assez grand nombre de papyrus sur lesquels on ne tarda pas à reconnaître des caractères grecs. On les avait trouvés dans des tombeaux où ils étaient employés à envelopper des momies, ou même quelquefois déposés, comme dans des sortes d’archives de famille. Aussitôt toute l’Europe savante se mit à l’œuvre pour les déchiffrer. En France, la bibliothèque du Louvre en forma une collection assez