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de critique philologique et d’archéologie qu’il est sûr de plaire aux esprits sérieux, seul public auquel il s’adresse. Il est là plus à son aise, plus véritablement original, que lorsqu’il traite des sujets tout à fait littéraires, et l’on voit bien que son goût, comme son talent, le porte de préférence vers l’érudition. Cette préférence n’a rien qui doive surprendre, et tous ceux qui ont mis la main à des travaux de ce genre la comprendront bien. Les gens du monde, qui ne jugent guère que par le dehors et l’apparence, plaignent beaucoup les archéologues et les érudits de s’exiler dans ces recoins obscurs de la science plutôt que de suivre la grande route de la littérature, où l’on voyage si à l’aise et en si nombreuse compagnie ; mais ceux-ci ne se trouvent pas si à plaindre qu’on le suppose. C’est précisément parce que le chemin où ils marchent est solitaire qu’ils ont tant de plaisir à y marcher. Il a l’avantage qu’on peut toujours y trouver quelque endroit inexploré, et s’y faire, à l’écart, loin du bruit, un petit domaine. Si petit qu’il soit, il est tout à nous, et l’on s’y sent à l’aise, quand on n’aime pas à vivre sur le terrain d’autrui. Les résultats qu’on obtient, en se livrant à ces études spéciales, peuvent paraître insignifians au plus grand nombre ; mais ils charment celui qui les a trouvés, parce qu’au moins ils lui appartiennent. Il sait bien d’ailleurs que, dans les sciences d’observation comme l’archéologie, tout a son importance, qu’une vérité conduit à l’autre, et que personne ne peut dire si ce monument informe qu’on déblaie, si ces lignes qu’on déchiffre dans une inscription presque effacée ne mettront pas quelque esprit pénétrant sur la voie des plus belles découvertes. Cela suffit à expliquer la passion qu’excitent, chez ceux qui les cultivent, certaines sciences que le monde trouve arides et rebutantes, et comment de nobles esprits les préfèrent à d’autres travaux qui demandent moins de peine et donnent plus de renommée.

Les livres comme celui de M. Egger ont un autre avantage que de nous apprendre un certain nombre de faits nouveaux ; en nous montrant réunie l’œuvre entière d’un homme, et pour ainsi dire toute sa vie scientifique, ils nous permettent de distinguer, avec la nature particulière de son esprit, la tendance générale de la science de son temps. Il n’est pas besoin de beaucoup de peine pour trouver de quel côté la critique de M. Egger se porte le plus volontiers. Une énumération rapide des principaux mémoires contenus dans son livre montrera suffisamment quels sujets il aime surtout à traiter et les résultats qu’il veut tirer de ses études. Nous le voyons s’occuper successivement à établir les formalités de l’état civil chez les Athéniens, les moyens qu’employaient les Grecs pour garantir de toute fraude leurs poids et leurs mesures, à chercher quels étaient les divers genres de billets dont ils se servaient dans leur commerce, et s’ils ont connu la lettre de change ; La découverte d’un inventaire de dépenses pour la construction du temple d’Érechthée l’amène à se demander quel était le prix du papier au temps de Périclès, et il trouve que ce prix était très élevé, puisqu’une feuille de papyrus coûtait 30 centimes de plus qu’une planche de bois de la même dimension. Comment donc pouvait-on suppléer au papier pour les usages ordinaires de la vie ? M. Egger nous l’apprend dans un mémoire où il s’occupe de ces fragmens de poterie (ostraka) qui se retrouvent en si grand nombre dans l’Egypte, et sur lesquels il y a