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a cru devoir, faire en notre nom à la chambre des communes ont eu un succès peu flatteur, et il paraît aujourd’hui qu’elles ne nous ont point gagné le concours de l’Angleterre dans la question polonaise. À notre avis pourtant, l’Angleterre pousse trop loin le ressentiment des petits griefs que nous avons pu lui fournir, et qui devraient, ce semble, être effacés par les importantes satisfactions qu’elle a reçues de nous. En tout cas, si son isolement est superbe, il n’est point adroit : le meilleur moyen pour elle de contrecarrer les projets ambitieux qu’elle nous suppose serait de s’associer plus souvent à nous. À l’heure qu’il est par exemple, sa présence au Mexique eût été gênante pour nous ; si elle eût bien voulu nous accompagner dans la guerre d’Italie, la question romaine serait peut-être résolue, et nous ne jurerions pas que nous y eussions gagné la Savoie.


E. Forcade.
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ESSAIS ET NOTICES.


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LE PRINCE ALBERT.[1]


« Ce livre, a dit M. Guizot, est un acte de tendre piété conjugale et royale. Il a été publié par l’ordre et avec la sanction de la reine Victoria. Durant la vie du prince Albert, la reine avait plus d’une fois désiré faire connaître au monde l’appui vigilant et inappréciable que son époux lui prêtait dans la conduite des affaires publiques. Et maintenant elle a voulu consacrer à la mémoire de celui qu’elle a tant honoré et tant aimé un souvenir qui est en même temps un hommage rendu à la publicité anglaise. Le recueil des discours prononcés par le prince est précédé d’une introduction destinée non pas à raconter sa vie, mais à peindre son caractère. L’auteur a gardé l’anonyme, mais il n’a pas laissé ignorer que l’inspiration de ces pages touchantes, remplies de détails précis et sympathiques, était due à la reine elle-même, et les Anglais ont été unanimes pour reconnaître le charme d’un portrait tracé avec une exactitude si fidèle.

Passionné pour le bien et pour la vérité, avec une conscience aussi élevée que délicate et cette puissance d’aimer et d’admirer qui est le signe caractéristique des grands cœurs, bienveillant par instinct et par raisonnement, nature essentiellement affectueuse et douce, unissant au bon sens anglais quelque chose de la poésie rêveuse de la race germanique, savant, artiste et homme d’état, esprit ouvert à toutes les idées, âme ouverte à toutes les vertus, père judicieux et tendre, ami et précepteur de ses enfans, justement fier du titre de premier sujet de la reine, et attaché à sa royale compagne par un dévouement profond et chevaleresque, le prince-époux a su se montrer digne de l’amour d’une noble souveraine et de la respectueuse gratitude d’un grand peuple. Nés à trois mois de distance, en 1819, le prince Albert et la reine Victoria avaient les mêmes pensées, les mêmes goûts, la

  1. Le Prince, Albert, son caractère, ses discours, traduit de l’anglais par Mme de W…, et précédé d’une préface par M. Guizot ; 1 vol. in-8o, Michel Lévy.