base de négociation, il est impossible que ce sixième article, développés par les négociations, n’aboutisse pas à la constitution d’une armée nationale. Le système représentatif et l’administration distincte et nationale n’auraient point de sanction, s’il ne devait y avoir une armée de Pologne, si les recrues polonaises étaient condamnées à être englouties et fondues dans l’armée russe. Le plus simple bon sens dénonce cette contradiction logique ; mais en y réfléchissant on demeure facilement convaincu que cette contradiction est repoussée par le sens même du sixième point. Les puissances, par la rédaction de cette proposition, entendent qu’un système de recrutement régulier et légal soit établi. Or, du moment où l’on suppose que la Pologne aura une représentation nationale, il ne pourra y avoir de recrutement régulier et légal que celui qui sera voté par cette représentation. Peut-on admettre un seul instant que les chambres polonaises accordent un contingent pour le voir incorporer et disséminer dans les régimens russes, et tolèrent des garnisons russes en Pologne, tandis que les soldats polonais pourraient être envoyés sur les frontières asiatiques de la Russie, et iraient dans les rangs moscovites faire campagne au Caucase ? Comment, d’ailleurs, dans cette hypothèse, concilierait-on l’incorporation des Polonais dans l’armée russe avec la régularité et la légalité du recrutement en présence des autres points, qui stipulent une administration distincte et nationale, la liberté religieuse et la langue nationale ? Pour des Polonais incorporés dans une armée russe, que deviendraient la loi et le bienfait d’une administration distincte, de la libre pratique des cultes et de l’usage de la langue de la patrie ? On doit donc apercevoir que les six points, logiquement interprétés, vont beaucoup plus loin qu’on ne l’imagine au premier abord.
Les cabinets de Paris, de Londres et de Vienne auraient agi prématurément et peu prudemment, s’ils avaient dans leurs dépêches entrepris de commenter les six propositions par eux soumises à la Russie. Il y a toutefois dans ces dépêches des nuances ou des touches significatives qu’il est utile de signaler. D’abord les trois cours adoptent le même point de départ ; toutes trois constatent qu’en rédigeant les six propositions, elles n’ont fait en quelque sorte que se rendre à une invitation de la Russie, laquelle, dans les dépêches du 26 avril du prince Gortchakof, se déclarait prête, pour la pacification de la Pologne, à entrer avec les grandes puissances « en échange d’idées sur le terrain et dans les limites des traités de 1815. » Le début est courtois : il a, comme on voit, l’avantage de déguiser ce qu’il pourrait y avoir de pénible pour la Russie à l’intervention des trois puissances, dans ses démêlés avec la Pologne. Deux dépêches, celles de la France et de l’Autriche, poussent la politesse plus loin ; elles vont jusqu’à faire presque honneur à la cour de Pétersbourg de l’initiative des six points. « Plusieurs des dispositions que ce programme renferme, dit M. Drouyn de Lhuys, font déjà partie du plan de conduite que le cabinet de Saint-Pétersbourg s’est tracé ; les autres dépassent à peine les avantages qu’il a promis ou laissé espérer ; elles ne sont toutes que l’expression la plus simple des lois élé-