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REVUE LITTERAIRE

LES ROMANS ET LES ROMANCIERS NOUVEAUX.

Celui qui voudrait suivre pendant quelques mois la vie littéraire de notre pays dans la diversité de ses manifestations ne pourrait s’empêcher de revenir sans cesse au roman comme à la forme où elle se traduit le plus volontiers, où elle s’affirme avec le plus d’insistance. Tandis que la poésie, enchaînée par un sommeil étrange, attend, comme la Belle au Bois-Dormant, quelques-uns de ces princes dont la voix souveraine chasse les méchantes fées et dissipe tous les maléfices, on voit le roman s’agiter, s’élancer avec une inquiétude fiévreuse vers tous les points de l’horizon, donner tous les signes enfin, sinon d’une vitalité puissante, au moins d’une singulière activité. Veut-on ensuite pénétrer plus ayant dans ce monde du roman contemporain, se rendre compte du spectacle de confuse animation qu’il présente : on est bientôt surpris et affligé du petit nombre des œuvres qui, au milieu de cette mêlée bruyante, méritent l’attention de la critique. Et combien parmi celles-ci encore n’en faut-il pas compter qui appellent le blâme plus que l’éloge ! N’importe : même réduite à ces proportions, l’activité qui de nos jours caractérise la production romanesque montre que là en définitive se porte non-seulement le goût des écrivains, mais la prédilection du public. Aussi convient-il de ne pas traiter avec dédain une forme de l’invention littéraire qui jouit d’une telle faveur, et de rechercher avec une sévère attention, parmi les tendances qu’elle trahit, celles qui honorent l’art moderne et celles qui le compromettent.

Dans un groupe tel que nous l’entendons, on tacherait de réunir, en remontant à quelques mois, les romans les plus dignes de l’examen de la critique, et si l’on s’arrêtait d’abord à ceux qui appellent les éloges plus que le blâme, on rencontrerait dès le début deux œuvres qui, malgré de frappantes différences, se distinguent par un même sentiment très vif