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de 65 à 72 kilomètres à l’heure, si ce n’est sur la voie exceptionnelle du Great-Western. En France, la marche est réglée sur la même vitesse pour les lignes du Nord, de l’Est et de Lyon. Il n’est donc pas vrai que la vitesse absolue soit plus grande en Angleterre qu’en France. Le matériel anglais est d’ailleurs moins propre que le nôtre aux très grandes vitesses. Les Anglais n’emploient pas notre stable et solide Crampton. Il n’y a pas une seule Crampton en Angleterre, sans doute en vertu de la maxime, vraie partout, que nul n’est prophète en son pays.

Ce qui est vrai, c’est que, par la suppression de tout ou partie des arrêts aux stations intermédiaires et par la brièveté des arrêts conservés, les trains anglais franchissent plus vite leur distance. On va d’un trait de Douvres à Londres, et l’on s’arrête vingt minutes en cinq fois de Londres à Liverpool. En Angleterre, il n’y a pas de petite vitesse et presque pas de trains omnibus, c’est-à-dire s’arrêtant à toutes les stations. Les trains de marchandises eux-mêmes sont accélérés. Ce service expéditif, très onéreux aux compagnies, est gênant pour le public, surtout celui des petites localités. Aussi, quand les compagnies françaises ont voulu se modeler sur les railways anglais, elles ont rencontré de vives résistances.

Ajoutons que lorsqu’on veut prendre un type de chemin de fer, ce n’est peut-être pas en Angleterre qu’il faudrait l’aller chercher, quoique nulle part les ingénieurs et les directeurs n’aient plus de talent; mais les railways anglais sont trop loin maintenant des conditions normales de leur établissement : se faisant partout concurrence entre eux, ayant à lutter contre la navigation, desservant des centres d’affaires immenses et rapprochés, ils doivent subir des exigences inconnues sur le continent. Le public en profite, il est vrai ; mais les actionnaires ne retirent, on le sait, qu’un très mince retenu, qui leur ferait peut-être abandonner la partie, si ces actionnaires n’étaient en général riverains et propriétaires de vastes établissemens où ils gagnent d’une main ce que la voie ne leur rend pas dans l’autre. Peut-être cependant le public français pourrait-il être habitué en partie aux usages anglais, surtout en ce qui touche les trains omnibus, qui s’arrêtent à peu près soixante fois sur un parcours de 500 kilomètres, et font en 18 heures le trajet que les trains express fournissent en moins de 11 heures. Dans ces trains, les seuls qui peuvent prendre les voyageurs de seconde et de troisième classe, la souffrance est réelle, surtout en hiver.

Mais ce qui ne paraît pas devoir être supprimé, contrairement à la pratique anglaise, ce sont les convois de marchandises qui, surtout le réseau continental, vont à très petite vitesse en emportant des charges énormes sous la remorque de très puissantes machines, à des tarifs très réduits, quoique rémunérateurs. La petite vitesse est