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et ont reconnu que, de proche en proche, ils finissaient par tout bouleverser! Or bouleverser un chemin de fer, c’est mettre en péril les milliers de voyageurs qui parcourent quotidiennement le réseau, c’est troubler les affaires publiques, qui reposent sur la régularité des transports.

Il y a plus, la condition première des voies ferrées, comme de toutes autres voies, est l’unité, la viabilité commune, en sorte qu’un négociant puisse expédier, sans rompre charge et sans souci pour la route, ses marchandises d’un bout à l’autre de la France ou même du continent. À cette condition seule, les chemins de fer peuvent remplacer l’admirable système des anciennes routes de terre. C’est le malheur de nos voies navigables d’offrir partout des différences et des entraves de viabilité : aussi le service y est-il relativement très borné. La nécessité de conserver dans les dispositions fondamentales l’unité de type qui assure la viabilité commune est le principal obstacle à bien des innovations; il y a un profil, un écartement de roues, une distance d’attelage, un poids déterminé, qu’il faut respecter. On comprendra ainsi pourquoi les inventeurs sont parfois accueillis avec réserve par les compagnies, et pourquoi des innovations dont le but semble séduisant tardent à se produire.

Les chemins de fer sont-ils donc condamnés à l’immobilité? Non, car ils sont loin de la perfection : il arrive encore des catastrophes désolantes, les charges d’exploitation sont lourdes, les rouages administratifs compliqués, les tarifs élevés; les relations commerciales demandent plus de célérité, nos habitudes modernes exigent plus de bien-être pour les voyageurs; en un mot, beaucoup de besoins raisonnables demandent à être satisfaits. Qui sait mieux que les hommes d’expérience combien l’état actuel laisse encore place aux progrès et aux réformes? Le temps n’a cependant pas cessé d’en amener. On le reconnaît en comparant deux locomotives, deux wagons construits à dix ans de distance. Et de ce que la voie se compose toujours de deux bandes de fer sur traverses de bois, il n’en faut pas conclure que les lignes de Lyon ou de Nantes sont copiées sur le premier chemin de fer de Versailles.

Veut-on quelques exemples d’innovations récentes? Le télégraphe électrique a fourni aux gares un moyen instantané d’échanger leurs avis pour l’expédition des trains. C’est une révolution dont les avantages sont constatés. En même temps la voie a été couverte de signaux de toute nature, pour le jour, la nuit, le brouillard, les arrêts forcés, le passage des tunnels et des tranchées en courbes, l’approche des stations et des chemins traversant la voie à niveau. Plusieurs de ces appareils ont été rendus automoteurs, c’est-à-dire agissant d’eux-mêmes mécaniquement en dehors du concours du surveillant, à son défaut même et à grande distance. Des freins, des