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du moins l’avis de suivre au visiteur voisin. Grâce à ce contrôle combiné, les accidens provenant des roues sont presque inconnus, et nous pouvons sans témérité nous confier à ces grêles engins qui, dans leur parcours de Paris à Lyon, ont tourné cent soixante-dix mille fois.

Afin de n’être jamais prises au dépourvu et de pouvoir éliminer sans retard les roues douteuses, les compagnies ont toujours un grand approvisionnement, un parc à roues, où sur un vaste espace celles-ci sont alignées et classées en plusieurs lots, selon le degré de confiance que mérite la fabrication ; on y puise selon les besoins du service. Ainsi en est-il des divers organes du matériel, pour lesquels il existe des magasins généralement peu connus. On visite volontiers les ateliers, les dépôts de locomotives ; trop rarement on étudie les magasins de chemins de fer.

Comme les roues, les tubes de chaudières sont des pièces de détail qui, par le nombre et l’importance, ont dû faire l’objet d’une organisation curieuse. On sait que, pour multiplier sous un volume réduit la surface de chauffe des chaudières de locomotive, on fait passer la flamme du foyer dans un faisceau de tubes en cuivre traversant un gros cylindre contenant l’eau à vaporiser. Une locomotive a en moyenne 200 tubes offrant une surface de 100 mètres carrés sous moins de 5 mètres cubes. Une grande compagnie possède environ 500 locomotives ; ce sont donc 100,000 tubes dont il faut prendre soin.

L’explosion d’un tube n’est pas un accident de nature à menacer les voyageurs ; mais elle paralyse la machine, et tout arrêt imprévu au milieu de la multiplicité des trains est une cause de désordre général. Les tubes sont minces ; ils s’usent vite et inégalement, on ne peut les visiter tant qu’ils sont en place dans la machine ; par conséquent la rupture de ces pièces causerait à l’exploitation de fréquens embarras, si une statistique appropriée ne faisait connaître le parcours au-delà duquel les tubes probablement fatigués doivent être changés. Quand ce parcours est terminé, la machine rentre aux ateliers ; on démonte la chaudière, les tubes sont lavés mécaniquement jusqu’au vif du métal, puis ils passent tour à tour sur une sorte de balance accusant la perte de poids que l’usure leur a fait subir. Une seconde vérification est nécessaire, car un tube peut encore posséder une bonne épaisseur générale et avoir des points faibles provenant d’une inégale usure. Chaque tube passe. donc sur une seconde machine où il subit une pression intérieure au moins double de la pression de service. Après ces deux épreuves, les tubes sont classés en plusieurs lots. Dans le premier sont ceux. équivalens à des tubes neufs ; dans les autres, et à différens degrés,