souffre pas seulement dans son droit, qui périt sous le poids de ses propres doctrines ; il souffre bien plus visiblement encore dans son talent. Journaliste, M. Veuillot a du moins de ces éclats de verve qui jaillissent au choc des polémiques. Il a souvent de ces saillies d’une conversation hardie, insultante, qui court en éclaboussant ; mais combiner un livre, fût-ce un livre de divagations, embrasser un sujet, le dérouler, le diriger, lui donner une forme, c’est là la difficulté grave : M. Veuillot ne le peut. Il y a mieux : l’âge après tout se fait sentir, et l’âge met à nu les rugosités d’une nature morale et littéraire comme il fait paraître les rides du visage. Certaines parties grossières du talent deviennent plus sensibles et plus criantes, la fantaisie ironique s’alourdit, ce qui avait un air d’éloquence devient de la déclamation, les manies de l’esprit s’accusent, l’uniformité des procédés se démasque, et c’est ainsi que ces derniers livres de M. Veuillot, qu’on pourrait appeler les colères d’un journaliste en disponibilité, ces livres de Çà et Là, du Parfum de Rome, à l’exception de quelques fragmens dans le premier de ces ouvrages, sont au fond peu amusans et même, à vrai dire, ennuyeux. Il y a tous les défauts de M. Veuillot et nulle de ses qualités ou fort peu. Je ne parle pas de cette étrange idée qu’a eue l’auteur de découper sa prose en strophes qui ne correspondent à rien, qui se terminent ou recommencent suivant une loi absolument insaisissable. Le fond est toujours le même, la guerre à l’esprit moderne, à ses inventions, à ses arts, à ses idées, à ceux qui ont le malheur de s’en inspirer. Tantôt l’auteur se livre à des amplifications d’un lyrisme prophétique, tantôt il tombe dans de véritables apoplexies d’outrages. Il flotte entre le sarcasme et l’emphase, entre la crédulité puérile et la redondance. Il se prendra d’une haine furieuse contre les chemins de fer, contre les télégraphes électriques, contre les bateaux à vapeur, contre les villes qu’on reconstruit, contre tous les perfectionnemens de la science, et il va peindre une Arcadie dans les états romains. Ici au moins on respire ; nulle contrainte exercée par le baudrier du gendarme ou l’habit brodé de l’administrateur. Il n’est plus question que de la bienveillante police romaine, de la physionomie, noble du postillon, des nobles campagnes, des paysannes à la mine superbe qui dorment comme des princesses d’un sommeil plein de majesté. Que M. Veuillot soit sincère dans ses peintures arcadiques comme dans ses invectives, je le veux bien ; mais il est certain que la rhétorique continue l’air une fois commencé. L’auteur du Parfum de Rome a du reste une manière de trancher les questions sérieuses à laquelle il n’y a rien à répondre, et si vous lui demandez pourquoi il ne croit pas à la fin du gouvernement temporel du pape, il vous répondra que c’est parce qu’il ne
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