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homme, jusqu’à Bernardin de Saint-Pierre, auteur d’un prétendu chef-d’œuvre dont « la platitude et l’immoralité » sont désormais mises en évidence. Je ne parle pas des contemporains : ceux-là, philosophes, artistes, historiens, publicistes, poètes, critiques, ils y sont tous ou à peu près. Ils ont des noms légumineux qui ne me semblent point un prodige d’invention sarcastique ; mais cela ne suffit pas à l’orthodoxie de M. Veuillot, et des hommes qu’on croyait avoir quelque droit à compter comme des catholiques ne sont pas les moins maltraités. Voilà M. de Falloux joliment lacéré sous la figure du « secrétaire Tétoin, » et allant a garder le mulet pendant un an ou deux dans les antichambres de trente-neuf chrétiens, la plupart plus que légers, dont se composait l’Académie française. » M. de Falloux, au lieu d’écrire l’histoire du parti catholique, n’avait qu’à se tenir tranquille, à faire couronner ses bestiaux et à couronner des gens de lettres. M. de Montalembert n’est plus en faveur depuis nombre d’années ; c’est un maniaque d’éloquence, de libéralisme, qui frise singulièrement l’hérésie. Le père Lacordaire, qui a eu l’immense tort de dire que toutes les voix qui s’étaient élevées dans les polémiques religieuses n’étaient pas dignes du combat, ne l’a pas porté dans la vie éternelle, où il repose : il est finalement mis en quarantaine pour quelques paroles malheureuses, c’est-à-dire libérales, sur l’Italie. Ozanam est aigrement relevé pour n’avoir pas tenu tout ce qu’on attendait de lui et pour avoir osé signaler une école de la colère dans le catholicisme ; la sympathie qu’on a pour lui, par un euphémisme heureux, est reléguée « dans les profondeurs du credo. » Le père Gratry est trop prudent et ne colleté pas assez M. Cousin. M. Cochin aura beau s’évertuer, il ne fera pas la monnaie de M. de Montalembert. Quant à M. Dupanloup, qui dans les débats récens sur la papauté aspirait au martyre et demandait, comme évêque, les catacombes, en ajoutant : « Vous ne nous les donnerez pas, dites-vous, — nous les prendrons ! » quant à M. Dupanloup, je suis un peu embarrassé ; je voudrais savoir à qui s’adressent ces paroles, qui ne semblent point exemptes d’une ironie soupçonneuse : « Quelques chrétiens s’accoutument à en parler (de la longue période du martyre) comme d’un temps heureux et plein de gloire. — Eh bien ! disent-ils, nous rentrerons dans les catacombes ! — Moins assurée de leur constance, l’église prie Dieu de ne les point mettre à l’épreuve. Lorsqu’elle célébrait le triomphe des martyrs, elle avait à pleurer la honte des apostats et ie malheur horrible des bourreaux. À ces théoriciens affronteurs du martyre, elle répond en demandant à Dieu de lui donner la paix.., » Voilà, si je ne me trompe, qui est faire la leçon, et le cercle de la pure orthodoxie se resserre, on le voit. Que reste-t-il donc ? M. Veuillot ! Mais ce n’est pas assez. Parce qu’on s’est converti