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traverser la ville en toute sûreté et se rendre au palais préfectoral. — Le mandarin s’exécuta : les palanquins et l’escorte furent envoyés; le cortège traversa sans le moindre trouble les principales rues de Choung-king au milieu d’une immense foule; l’audience se passa de la manière la plus courtoise, le préfet conseillant de remonter le fleuve plutôt que de prendre la route de terre interceptée par les rebelles ; bien mieux, au sortir de l’audience, M. Blakiston se fit conduire à la demeure de la mission catholique, et il y dîna fort agréablement à la table de l’évêque. — Tel fut le dénoûment de cette émeute chinoise.

Nous venons de voir M. Blakiston en relations immédiates et tout à fait publiques avec la mission catholique de Choung-king. Depuis son entrée dans la province du Ssé-tchouen, l’expédition avait rencontré plusieurs villages presque entièrement peuplés de familles catholiques qui l’accueillaient avec empressement, lui montraient leurs églises, lui racontaient les ennuis que leur causaient parfois les mandarins, en un mot traitaient ces étrangers non-seulement comme des coreligionnaires, mais encore comme des protecteurs envoyés du ciel. Les bons Chinois étaient tout surpris et tout peines quand les Anglais essayaient de leur faire comprendre qu’ils n’étaient point de la même foi, et que les protestans différaient des catholiques. Hâtons-nous de dire que, sans insister sur une distinction trop subtile pour la piété des néophytes, M. Blakiston manifesta en toute occasion un intérêt bienveillant pour ces enfans de la grande famille chrétienne; il ne manqua pas de leur faire une ample distribution, non pas de Bibles, mais d’exemplaires du traité et des édits qui garantissaient la liberté des cultes, et il leur promit d’appuyer leurs doléances auprès de qui de droit. — A Choung-king, il put rendre compte à l’évêque de ce qu’il avait observé et recueillir des renseignemens plus précis sur l’état du catholicisme dans la province, La mission du Ssé-tchouen a été de tout temps assez florissante. Les catholiques s’y comptent par milliers; ils professent ouvertement leur culte, et s’il se rencontre par momens quelques mandarins ombrageux qui inquiètent ces fragiles églises élevées sur le sol païen, ce ne sont que des exceptions. La plupart des gouverneurs et des préfets, soit pour se conformer aux instructions transmises de Pékin, soit plutôt pour ne point se donner de souci ni d’embarras, pratiquent la plus parfaite tolérance. A mesure que le gouvernement sera bien convaincu que les chrétiens n’ont aucun rapport avec les sociétés secrètes ni avec les rebelles, les actes de persécution deviendront de plus en plus rares, et les catholiques jouiront, comme les musulmans et les Juifs, de la liberté religieuse. Tout cela ne saurait être l’œuvre d’un jour dans un pays si vaste, où les ordres du gouvernement central ont à franchir