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sur la cause et le remède des maux de la société, et accrédité une opinion misanthropique qui attribue toute souffrance et tout méfait aux torts intéressés de tout ce qui semble puissant. On s’exagère à la fois la perversité des hommes, la gravité des offenses, la facilité des réparations. Plus d’une cruelle expérience aurait dû apprendre aux partisans de la démocratie illimitée que tous les maux de ce monde ne sont pas des abus accidentels ; que les révolutions entreprises pour les supprimer ne sont ni aussi aisées, ni aussi efficaces que le rêve notre impatience ; que l’ingratitude et la violence envers les réformateurs modestes qui se contentent de progrès lents et limités conduisent souvent à rendre la prépondérance aux ennemis de toute réforme et de tout progrès. On ne gagne pas plus à trop haïr d’un côté qu’à trop craindre de l’autre. La défiance peut être aussi aveugle que la confiance, et une politique vindicative ne saurait être une politique vraiment libérale. On a dit avec raison à la tribune qu’il fallait rattacher de plus en plus la démocratie à la liberté. En effet, l’amour et la pratique de la liberté, en développant le sentiment du droit, apprennent la justice, et nous préservent de cette intolérance qui, ne supportant ni frein ni retard, multiplie et manque les révolutions.

C’est donc contre les ombrages d’une politique ardente et jalouse que doit se prémunir la démocratie. Ce n’est pas le temps d’être exigeant, soupçonneux, exclusif. Ouvrant son vaste sein à tout ce qui s’offre pour la servir, la démocratie ne doit repousser aucune alliance. Ses concessions se tourneront presque toujours pour elle en conquêtes. Toute liberté lui profitera, de quelque main qu’elle lui vienne.

Ce n’est pas apparemment à nous de détourner le public quand il se reporte vers les choses et les hommes du passé. Nous ne voudrions pas cependant qu’enfermé dans le cercle étroit des souvenirs il dédaignât la nouveauté. La nouveauté dans les hommes, c’est la jeunesse. Quel que soit le mérite de l’expérience acquise et du talent éprouvé, la situation des hommes nouveaux les rend plus propres à préparer l’avenir. Ils peuvent plus hardiment parler de promesses et d’espérances, et la démocratie doit se montrer d’autant plus empressée de les accueillir et de les rechercher que les institutions de ces dernières années ont été moins propres à les mettre en lumière. C’était à ce point que la France se faisait accuser d’une stérilité momentanée ; mais enfin M. Forcade, M. Prevost-Paradol, M. Lanfrey, M. Lavertujon, d’autres encore, ont percé à travers tant d’obstacles, et vers eux et leurs pareils la démocratie doit tourner ses regards. Elle ne saurait trop tôt placer au premier rang de tels défenseurs.

En tout cas, la cause de la liberté est dans une situation nouvelle, et