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mais qui n’est pas hostile en matière religieuse : Si le parti catholique tout entier s’était compromis à la suite de quelques-uns de ses membres les plus éminens dans les dernières élections, il aurait donné une preuve d’existence et de force qui aurait profité à sa cause.

Il aurait même exercé quelque influence sur le clergé, qui le considère avec défiance et ne le suit jamais sans hésitation. Je ne suis pas de ceux qui voudraient que cette hésitation cessât entièrement et que le clergé entrât pleinement dans l’activité politique. Il ne l’a pas fait lors des dernières élections, et quand il est sorti d’une réserve qui lui sied presque toujours bien, il l’a fait pour agir en sens divers, ici conservateur avant tout et par suite gouvernemental, là indépendant et tendant à l’opposition. Comme la question romaine est provisoirement pacifiée et que le statu quo semble imposé à tout le monde par la nécessité, il est tout simple que le clergé se soit abstenu de toutes démonstrations prononcées. La déclaration des sept prélats consultés à l’époque des élections nous paraît parfaitement mesurée et, quoi qu’on en dise, irréprochable. Nous ne demandons, quant à nous, rien de plus, et quelque désir que nous éprouvions de voir l’église se réconcilier peu à peu avec les idées libérales et renoncer aux anathèmes contre la révolution, nous n’oublierons pas que les élections politiques étant après tout une arène ouverte aux passions mondaines, elle n’y doit jamais descendre qu’avec précaution, et qu’il y a toujours quelque difficulté à concilier le choix accidentel d’une opinion et d’une candidature politiques avec le devoir permanent de prêcher la concorde et la paix ; mais j’ajoute que cette situation intermédiaire, cette sorte d’arbitrage moral et conciliateur entre les partis, qui convient au clergé, devrait avant tout le préserver du rôle officiel de défenseur du pouvoir et d’instrument de gouvernement que ses plus célèbres organes lui ont trop souvent conseillé. L’impartialité absolue vaudrait encore mieux, dût-elle le condamner à la neutralité.

Venons maintenant à cette grande masse nationale dans laquelle se confondent les opinions réactionnaires, impérialistes, gouvernementales, conservatrices, constitutionnelles, libérales, démocratiques, républicaines, radicales, socialistes, que l’on pourrait toutes comparer à autant de filons métalliques plus ou moins riches engagés dans une gangue d’indifférence. Là est ce milieu où s’opère tout le travail politique. Là se jouent dans une sorte de fermentation sourde, quelquefois invisible, des affinités, des forces, des résistances qui modifient sans cesse les proportions et même la nature des combinaisons internes du corps social. Les élections sont des crises qui manifestent ces transformations tantôt lentes, tantôt subites,