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Le fait est venu bientôt justifier nos conjectures. Il ne faut pas exagérer la gravité des dernières mutations ministérielles ; mais le sens en est évident. En mettant dans le poste le plus important de son conseil ce que son dernier ministre de l’intérieur venait d’appeler officiellement un rhéteur, le chef de l’état a manifesté l’importance croissante de la discussion des affaires du gouvernement, et le ministre de l’intérieur s’est retiré.

Voilà déjà un commentaire bien significatif du résultat des dernières élections. Il nous aidera à en étudier librement, à en décrire avec calme le caractère. Le drame est terminé, cherchons à en tirer la moralité. Toute épreuve est une leçon.


I

Quoique Montesquieu ait prononcé que le peuple est admirable pour choisir ceux à qui il veut confier quelque partie du pouvoir, les publicistes n’ont pas trouvé facile de régler le mode d’après lequel ce choix du peuple doit s’opérer. La loi des élections est restée un des plus épineux problèmes de la science constitutionnelle. L’extrême diversité des solutions qu’on en a données ne prouve que trop la perplexité des législateurs mis en présence de cette question fondamentale ; On conçoit, à voir leurs divergences, ce mot, souvent répété, qu’il faudrait qu’une loi des élections tombât du ciel. Ce vœu semble accompli lorsque cette loi est l’œuvre du temps, et que, consacrée par l’usage, elle se maintient comme une tradition incontestée. Les hommes en effet ont une certaine disposition à révérer comme une origine céleste une origine oubliée, et un peu de droit divin s’attache toujours à ce qui est plusieurs fois séculaire. C’était là peut-être la meilleure raison que les défenseurs de l’ancien système électoral de la Grande-Bretagne pussent opposer aux partisans1 de la réforme parlementaire. Ce que celle-ci a remplacé avait le mérite d’être coutumier ; mais la convention qui fonde le respect sur l’habitude n’a qu’un temps, comme toutes choses, et les réformes parlementaires deviennent nécessaires dès qu’elles sont jugées telles par l’opinion. Certes l’Angleterre n’a pas à se repentir de la sienne ; cependant elle y a perdu une certaine stabilité, et sa législation électorale est périodiquement remise en question. Nous vivons dans un temps où l’immutabilité n’est plus de mise, et les esprits doivent se faire au changement, pour que le changement cesse d’être une révolution.

Il y a eu un temps où la France croyait avoir mis la main sur les bases définitives d’un bon système d’élections. C’était à l’époque de la restauration, laquelle aimait fort à caresser l’illusion du définitif ;