nécessaire. L’auteur des Souvenirs militaires n’accuse ni ne justifie complètement le maréchal. On voit que, s’il avait commandé en chef, il aurait cherché à s’ouvrir un passage au travers des ennemis ; mais il reconnaît les difficultés et presque les impossibilités de l’entreprise. D’abord la garnison de Dresde n’était pas de 33,000 hommes, comme on l’a dit, mais de 17,000. La partie avait été perdue par l’empereur à Leipzig, et il était inutile de compromettre des troupes qui pouvaient rendre encore des services. La capitulation fut conçue dans les termes les plus honorables ; il fut convenu que la garnison rentrerait en France en passant par la Suisse, sous la promesse de ne pas servir avant d’être échangée. Ce n’est pas la faute du maréchal Gouvion Saint-Cyr si le prince Schwartzenberg, manquant à l’honneur militaire et à la foi jurée, refusa de ratifier la capitulation et retint la colonne entière prisonnière de guerre.
C’est à Presbourg, où il avait été conduit comme prisonnier, que M. de Fezensac apprit la suite des événemens. Quand on annonça le retour des Bourbons, l’étonnement des officiers français qui l’accompagnaient fut extrême ; ils n’avaient jamais entendu parler des princes, et l’un d’eux, en apprenant que le roi allait revenir, s’écria : C’est singulier, je croyais que le roi avait péri dans la révolution ! M. de Fezensac ne pouvait pas partager cette ignorance, car il avait auprès de Louis XVIII un oncle, l’abbé de Montesquiou, qui fut le principal auteur de la charte de 1814 : il connaissait d’ailleurs plus que personne, pour l’avoir vu de près, le côté faible de l’empire ; mais le sentiment militaire l’emporta d’abord sur toute autre considération. « Je traversai sans presque m’arrêter Munich, Ulm, Strasbourg, la France conquise et asservie. Soldat de l’empire jusqu’au dernier jour, je ne voulus rendre visite à aucune des nouvelles autorités royales. Mes yeux se détournaient quand je rencontrais un uniforme étranger. Je conservais une cocarde tricolore, symbole du sentiment que je renfermais dans mon cœur. J’arrivai à Paris au mois de mai ; alors, et seulement alors, je pris mon parti. Sans avoir contribué à, la restauration, sans l’avoir même désirée, je me décidai à la servir aussi loyalement que j’avais servi l’empire. »
Ici finissent les Souvenirs militaires. M. le duc de Fezensac avait trente ans, et dans le court espace de dix années, il avait vu se dérouler toute l’épopée militaire de l’empire. Nous sommes habitués à voir raconter ces événemens en termes magnifiques, qui ne nous en montrent que le beau côté ; il est bon que de temps en temps le témoignage d’un acteur nous ramène à la vérité. Nous apprenons alors ce qu’il en coûte pour écrire dans l’histoire les noms de ces grandes journées où se décident les destinées des nations ; nous voyons combien la défaite est toujours près de la victoire, même la plus éclatante, et nous y trouvons des motifs de plus pour aimer la paix, qui n’offre point de pareils hasards.
Une des qualités du guerrier moderne qui le distinguent de l’ancien soudard frénétique et brutal, c’est l’humanité. La guerre est assez destructive par elle-même ; pourquoi y joindre des dévastations et des massacres inutiles ? M. de Fezensac se montre pénétré de ce sentiment tout chrétien. « Un grand nombre de soldats russes erraient, dit-il, dans les murs de Moscou : j’en fis arrêter cinquante, que l’on conduisit à l’état-major. Un général à