Pour notre compte, nous trouvons mieux notre affaire dans la moindre amélioration pratique annoncée par le pouvoir que dans d’oiseux débats sur la métaphysique des dogmes politiques. M. de Persigny et ceux de son école peuvent décider lequel est préférable en politique de s’obstiner dans des prétentions abstraites ou de se montrer disposé à céder aux tendances de l’opinion, s’ils comparent ce qui se passe en Prusse avec le premier effort fait chez nous par l’empereur pour conformer son gouvernement aux tendances indiquées par les élections générales. Le roi de Prusse et M. de Bismark nous présentent la caricature instructive de la politique théorique à outrance. Une revendication intempestive et opiniâtre des prérogatives de la couronne motivée sur les prétextes les plus puérils enlève à la Prusse sa sécurité intérieure, la diminue au dehors et la frappe d’impuissance dans les grandes affaires européennes. Si le roi de Prusse, au lieu d’invoquer le droit divin, ce plébiscite suprême des pouvoirs légitimistes, eût renvoyé son ministère et composé un cabinet pris dans la majorité de la chambre élective, non-seulement il eût épargné à la Prusse l’éclipse qui l’inquiète et l’affaiblit, mais il eût obtenu jusqu’aux applaudissemens de notre presse officieuse. Les récentes résolutions de l’empereur forment avec la conduite du roi de Prusse un contraste que nous observons avec plaisir. L’empereur n’a point hésité à se séparer de M. de Persigny. Le souvenir du plébiscite de 1851 ne l’a point empêché de prendre de promptes mesures « pour organiser plus solidement la représentation de la pensée gouvernementale devant les chambres. » Il a en conséquence concentré dans les mains du ministre d’état et du ministre qui préside le conseil d’état les rapports du gouvernement avec nos assemblées. Ce n’est pas encore, dit-on, la responsabilité ministérielle ; soit. Nous tenons peu au mot ; mais en regardant aux choses il y a une sorte de transition progressive à constater. « Les ministres sans portefeuille n’avaient aucune part personnelle (le Moniteur nous en fait souvenir) dans les faits à débattre. » Il est évident qu’il n’en sera plus ainsi pour M. Billault avec les nouvelles fonctions dont il est revêtu : ministre d’état, il contre-signera tous les projets de loi ; il y aura donc une part personnelle, sa responsabilité y sera engagée. On en peut dire autant de M. Rouher, qui aura présidé à l’élaboration des projets de loi au conseil d’état. Qu’on remarque encore que, le ministère d’état ayant la préséance sur les autres départemens ministériels et devenant en outre le premier organe du gouvernement devant les chambres, M. Billault, s’il n’a pas le nom inconstitutionnel de premier ministre, s’achemine visiblement vers un poste supérieur autour duquel se forme une sorte d’unité, et par conséquent une solidarité de cabinet. Ces tendances à l’unité et à la solidarité deviennent plus apparentes quand on remarque que l’homogénéité est plus sensible dans le nouveau ministère. Par leurs antécédens, par leurs aptitudes, par leurs habitudes d’affaires, les ministres actuels se rapprochent pour ainsi dire naturellement les uns des autres et ont l’air de former un cabinet. Les ministres ont tenu