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Si maintenant on demande des informations aux musées, on sera étonné de voir avec quelle indépendance les Clouet poursuivent la tradition française dans la peinture de portrait, à peu près la seule qui nous reste de cette époque. Nous ne saurions vraiment regretter que ces artistes n’aient point recherché le faux grand style et les effets tourmentés dont les Freminet, les Dubreuil, élèves des Italiens, devaient se préoccuper exclusivement; ils eussent perdu leur goût délicat, leur science d’interprétation, la clarté qui donne tant d’attrait à leurs compositions, la finesse du modelé, pour substituer à la simplicité un peu pauvre de leurs moyens d’exécution un système conventionnel, tourmenté, arbitraire, dont n’a pu se défendre un autre artiste français de grand mérite, Jean Cousin, corrompu par le contact de ces peintres venus d’Italie. On ne peut parler de la peinture de portrait au XVIe siècle et passer sous silence ces intéressantes et fidèles images au crayon de couleur dont un grand nombre est exposé dans les salles des dessins au Louvre. Elles représentent des personnages de la cour de Henri II et de Charles IX, et quoiqu’elles soient anonymes pour la plupart, il n’y a pas à s’y méprendre, elles portent incontestablement la marque du goût français. L’origine évidente de ces crayons ressort de la sobriété, de la finesse, de la précision parfois sculpturale, que nous avons déjà reconnues aux portraits des Clouet.

Ce ne sont pas là d’ailleurs des faits isolés et seulement applicables au genre du portrait en peinture. Notre école de statuaire offre les mêmes particularités. Il suffit pour s’en convaincre de jeter un coup d’œil sur le tombeau de Philippe de Comines et de sa femme, Si cette imitation trop brutale de la réalité pouvait passer pour le résultat de l’ignorance et d’une sorte de barbarie en fait de goût, le tombeau de Philippe de Chabot, attribué à Jean Cousin, présente, ramené à des proportions plus légitimes, une semblable recherche du réel. Jean Goujon introduit dans l’école cette grâce alanguie, saine toutefois et vigoureuse, que Germain Pilon modifiera en lui donnant une allure plus maniérée. Les Nymphes de Jean Goujon offrent dans l’exécution cette saveur unique comparable à la charmante gaucherie des jeunes innocentes en humeur de coquetterie. Les Vertus de Germain Pilon n’ont plus cette fleur première et candide; elles sont encore la jeunesse, mais la jeunesse en pleine exubérance de vie et de malice.

A dater de ce moment, malgré la somme de talent que peuvent accuser les œuvres des Prieur, des Berthelot, des Guillain, des Sarrazin, des Anguier, des Marsy, la sculpture française attend le ciseau de Pierre Puget pour se relever dans sa force et son originalité. Et nous sommes alors en plein siècle de Louis XIV. L’école de