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lui coûte quand il s’agit de les étendre. Ces rapports sombres, chargés en couleur, c’est l’esprit administratif qui les inspire ; le parlement en est assiégé et cède parfois de guerre lasse. Les fabricans n’ont ni la volonté ni le temps de suivre leurs adversaires sur ce terrain et de se défendre par les mêmes armes. Pour repousser des attaques souvent passionnées, ils n’ont qu’un argument, péremptoire il est vrai ; c’est de redoubler de libéralité. Partout où il y a quelque bien à faire, on les trouve prêts à ouvrir leur caisse. Ils ne lésinent pas plus au sujet des écoles que pour toute dépense dont l’utilité leur est démontrée. ; ils ont souvent devancé les vœux les plus impatiens. C’est à eux que l’on doit l’établissement des instituts mécaniques, où sont enseignés les arts qui relèvent de l’industrie et les rudimens des sciences physiques et naturelles. Dans ces instituts, les redevances de l’ouvrier ne sont qu’un faible appoint ; le gros de la dépense se compose de contributions volontaires, et rien n’est épargné, ni les instrumens coûteux pour les expériences, ni l’espace, ni les embellissemens, ni le concours des bons professeurs. Les fabricans ont fait plus encore ; ils ont ménagé à la population qu’ils occupent le bénéfice de l’enseignement supérieur. À Manchester seulement, il existe trois collèges, fondés et soutenus à leurs frais : pour six ou huit shillings par an, les ouvriers peuvent y apprendre le latin, le français, les mathématiques, la tenue des livres, la chimie, et jusqu’à la déclamation. Ils prennent ainsi le goût de notions plus relevées. Ce qui frappe le plus dans ces institutions, c’est le libre mouvement qui les enfante, et qui serait étouffé le jour où l’état y mettrait la main. Quelques-uns des fondateurs poussent le zèle plus loin ; ils se dévouent comme professeurs à titre gratuit ; d’autres surveillent les détails administratifs. Chaque institut mécanique, chaque collège, ont leurs comités, leurs membres honoraires, qui règlent et contrôlent les dépenses, et président aux distributions de prix en les accompagnant de discours appropriés à leur auditoire. Et qu’on se souvienne que ces administrateurs sont les hommes les plus occupés du monde, avares de leur temps et qui n’en distraient rien pour des choses frivoles : ils ne le ménagent pas, tout précieux qu’il est, pour des œuvres vraiment profitables, où leur conscience est engagée.

On peut donc affirmer que, si la loi sur le travail des manufactures n’a pas encore atteint pleinement son but, ce n’est ni à la résistance ni à l’indifférence des entrepreneurs qu’il faut s’en prendre. Les parties défectueuses tiennent moins à la volonté des hommes qu’à la nature des choses. Telle qu’elle est, cette législation suffit aux besoins ; le bien possible y est en germe, et s’en dégagera avec