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odieuse règne dans le travail à la journée, et que l’éducation donnée dans les écoles est une pure dérision. »

Ce langage, dans son amertume, ne répond pas exactement à l’état des faits. Aucune réforme n’a rallié plus de défenseurs que celle du travail des manufactures, aucune n’a coûté plus d’efforts et n’a porté de meilleurs fruits. Les fabricans qui y avaient le plus résisté se montrent les plus scrupuleux à en assurer l’effet, j’ai pu m’en convaincre par moi-même et sur le moins suspect des témoignages, l’aveu des ouvriers. Graduellement le travail à la tâche a remplacé le travail à la journée, les accidens des machines sont rares, et le nombre des heures actives n’excède pas les limites de la loi. À peu d’exception près, c’est ainsi que les choses se passent. Deux sujets de plainte présentent seuls quelque fondement : les locaux des écoles, la valeur de l’enseignement. Les élèves sont souvent entassés dans des salles malsaines ; le personnel des instituteurs n’est pas encore ce qu’il devrait être. Il y a également des abus dans la délivrance des certificats. Pour conjurer ces éléments défectueux, deux moyens se présentent, une plus grande surveillance et un accroissement de ressources. De plusieurs côtés, on peut agir sur une meilleure constitution de l’école. Le conseil privé qui lui fournit des subsides, la paroisse qui l’assiste par la taxe des pauvres, les parens et les fabricans qui la soutiennent, les uns par les rétributions, les autres par les prélèvemens sur les salaires, sont également fondés à exiger, leur quittance en main, que l’enseignement ne soit pas une pure formalité, accompagnée d’une exaction. Seulement il faut se montrer généreux en raison d’une plus grande exigence, et faire en sorte que les budgets soient en rapport avec la fin qu’on se propose. Ici encore c’est sur l’état que l’on compte pour un supplément d’allocations ; on le convie à ramener dans le domaine du conseil privé les écoles indépendantes, et à vaincre leurs répugnances par des largesses. Déjà 5,770 de ces écoles ont conclu ce marché, et les inspecteurs du gouvernement les déclarent parfaites depuis qu’elles sont soumises à leur contrôle. Il est à croire que les 7,706 écoles réfractaires ne résisteront pas longtemps ; le besoin et l’exemple les dompteront, et il n’y aura bientôt plus une école des manufactures qui ne relève du conseil dont le siège est à Londres. C’est par les amorces de l’enseignement populaire que l’Angleterre entrera dans les voies de la centralisation, qui semblait incompatible avec son génie.

Il faut rendre cette justice aux entrepreneurs d’industries qu’ils luttent de leur mieux contre ces envahissemens ; c’est l’esprit administratif, l’esprit religieux qui les déborde. Tout corps de fonctionnaires, une fois créée, est animé de la soif des conquêtes ; rien ne