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à deux mains pour qu’elles ne tombassent pas à leurs pieds. Leur visage n’était qu’une couche de crasse, leurs cheveux, faute de peigne, couvraient leurs épaules et leurs yeux ; on eût dit des sauvages. Avant de les admettre sur les bancs, il fallut les laver, les peigner et rajuster tant bien que mal leurs robes à jour. Cette toilette dura plus d’une heure et demie. Enfin elles s’assirent, et leurs manières furent d’abord assorties à leur costume : elles étaient lourdes, gauches, désobéissantes, distraites. Au bout de quelques jours seulement, leur attention commença de se fixer ; elles prirent goût à ce qu’elles entendaient, et montrèrent de l’intelligence dans leurs réponses. Un mois plus tard, elles étaient devenues les meilleures élèves de la classe ; leur esprit s’était ouvert, et sous les mêmes vêtemens elles avaient un air tout autre. L’occasion fit que miss Carpenter entra en relations avec leurs parens ; elle alla voir un jour l’aînée, qui était tombée malade. Si accoutumée qu’elle fût à ces misères, son cœur défaillit devant celle-là. Une pauvre chaumière composée d’une seule pièce logeait toute la famille. Le père agitait dans un coin sa navette de tisserand ; la mère chargeait sa hotte de quelques articles qu’elle allait revendre en détail. La jeune fille, étendue sur un tas de chiffons, se débattait dans un accès de fièvre. Point d’autre siège qu’une chaise cassée, si bien qu’il fallut rester debout. La visite ne put se prolonger ; mais si courte qu’elle fût, la malade en éprouva du soulagement. Son plus vif regret était de ne pouvoir aller à l’école, et elle se faisait une fête d’y retourner. Près de cette chaumière infecte et enfumée, l’école était un véritable palais.

Tout n’a donc pas été vain dans ces tentatives ; quelque bien s’est fait ou se prépare. L’éducation n’allât-elle point au-delà d’un petit nombre de notions superficielles, que ce serait encore un bienfait de laisser ce germe dans les esprits ; il peut amener le désir d’une instruction plus étendue. Il en est de même du respect de la discipline ; ces écoles en ont une, si relâchée qu’elle soit, et c’est tout profit pour des tempéramens qui ne connaissent point de frein. Cependant la prudence conseille de ne pas multiplier outre mesure ces fondations ; elles ne sont bonnes qu’à la condition de ne pas affecter la situation des écoles régulières. Aussi le comité du conseil privé n’a-t-il offert à ces écoles d’enfans en guenilles qu’une assistance conditionnelle, en stipulant diverses garanties. Voici quelles étaient ses premières propositions. Le comité prenait à sa charge la moitié du loyer, le tiers du coût des outils et du matériel, la fourniture des livres comme pour les autres écoles, plus une capitation en argent de 50 shillings par chaque pensionnaire, enfin la moitié du salaire des instituteurs et de leurs suppléans, dont le nombre serait réglé