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trois avec une dépense de 12 shillings 2 deniers, un autre enfin cinq avec une dépense de 19 shillings 6 deniers, si bien que, sur un total de près de 40,000 enfans de pauvres répandus dans les neuf comtés, les gardiens n’en envoyaient à l’école que onze avec une dépense totale de 2 liv. 8 shill. 4 deniers par an. C’était user largement de la faculté de s’abstenir. D’autres comtés, il est vrai, y mettaient plus de grandeur, et un rapport de M. Milner Gibson à la chambre des communes daté de 1856 n’estime qu’à 85,000 le chiffre des enfans pauvres de la catégorie des externes qui ne fréquentaient pas les écoles. Un point sur lequel s’accordent les enquêtes anciennes ou récentes, c’est le degré d’abjection où croupit cette classe abandonnée à ses instincts. Le mal est si grand que dans les moyens de guérison proposés à l’envi on découvre une certaine pointe d’arbitraire. Rien de plus grave dans un pays respectueux pour le droit qu’ont les classes et les individus de disposer librement d’eux-mêmes, pourvu qu’ils ne nuisent pas à autrui. Quelques hommes du métier demandent que ce qui n’est aujourd’hui que facultatif devienne obligatoire pour les gardiens, c’est-à-dire que l’instruction soit donnée gratuitement et indistinctement aux enfans des pauvres assistés au dehors. D’autres vont plus loin : ils veulent que l’éducation des enfans soit la condition forcée de l’assistance extérieure et que le certificat d’école accompagne les distributions de secours. Sous des formes variées, il s’agit toujours d’une contrainte exercée sur la volonté des parens. Ces conseils partent en général des inspecteurs du gouvernement ou des membres ardens du clergé. Jusqu’ici le parlement n’y a cédé qu’à demi. Il a pu investir l’état d’un pouvoir de surveillance, mettre des subsides à la disposition du conseil privé, tolérer l’ombre d’une autorité universitaire, instituer à côté des gardiens un corps de commissaires de la loi des pauvres : ce sont autant de concessions que lui a arrachées un certain goût d’unité et de symétrie qui se répand depuis peu dans un pays et au sein d’un régime bien décousus ; mais il est deux choses dont il s’est jusqu’ici résolument défendu : c’est de porter la main sur les droits de la famille, tant que la loi les consacre, et d’empiéter sur les attributions des paroisses, accoutumées depuis des siècles à s’administrer elles-mêmes.

Près des écoles ouvertes aux enfans de pauvres dans l’intérieur des workhouses ou dans le ressort des districts, il en est d’autres qui sont suffisamment qualifiées par le nom sous lequel on les désigne : ragged schools, c’est-à-dire écoles en haillons ou écoles des déguenillés. Les enfans qui les hantent appartiennent à une classe pire que les pauvres inscrits : c’est la classe des gens vicieux, des ivrognes, des débauchés, dissipant ce qu’ils gagnent et s’endettant quand