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y avaient passé, douze seulement s’étaient fait inscrire sur les listes des pauvres classés, et sur ces douze une idiote et une épileptique. Les autres avaient trouvé de l’emploi et pouvaient désormais se suffire. La maison des garçons, installée sur le même pied, donna des résultats à peu près analogues. On y formait des sujets, et en assez grand nombre, pour la marine et pour l’armée, pour les travaux des manufactures et des champs, pour la domesticité urbaine ou rurale. Ces enfans, que l’on tirait du bourbier du paupérisme, n’y retombaient pas. Une circonstance vint mieux démontrer encore que ces amendemens tenaient plus au régime qu’aux hommes chargés de l’appliquer. En 1859, des bâtimens élevés avec un certain luxe se trouvèrent achevés, et les pauvres de Norwich durent quitter les murs du vieux couvent pour occuper leur résidence définitive. Tout aurait été profit dans ce changement sans une combinaison qui vint empêcher le succès. À la suite des cours destinés aux adultes, on avait réservé pour les enfans un local séparé par des clôtures insuffisantes. La commodité et l’économie des services l’avaient emporté sur les considérations de l’ordre moral. Le plan des gardiens était que l’on réintégrât les enfans dans l’établissement commun, en prenant quelques précautions contre le mélange. Il fallut, bon gré, mal gré, en passer par là. En vain les commissaires des pauvres s’interposèrent-ils en élevant des chicanes de procédure ; ils obtinrent à grand’peine quelques délais, à l’expiration desquels le dernier mot resta aux gardiens, qui tenaient les cordons de la bourse. Ce qu’avaient prévu les esprits sensés arriva. Les bénéfices du séquestre diminuèrent dès qu’il fut moins rigoureux ; à respirer le même air que les adultes, les enfans se corrompirent de nouveau. Les maisons de Norwich, qui passaient pour des modèles, déchurent peu à peu dans l’opinion, et, faute d’avoir maintenu un principe tutélaire, elles en sont aujourd’hui au même point que la plupart des établissemens analogues de l’Angleterre et de l’Ecosse.

Par cet exemple, il est aisé de se rendre compte des difficultés que rencontre la réforme de ces maisons de pauvres. Chaque union commente la loi à sa guise, et la jurisprudence n’est fixée sur aucun point. On a pu le voir à propos du régime de séparation qui est le vrai palliatif du mal. Une société qui s’est vouée à la visite des workhouses tenta un effort dans ce sens il y a quelques années ; elle proposa à six des maisons de la métropole de se charger des enfans qu’elles renfermaient et de construire à ses frais un asile où ils seraient reçus, logés, nourris et élevés en vue des services auxquels ils se montreraient propres. Toutes les garanties désirables étaient offertes. La société demandait seulement aux gardiens des pauvres de fixer la part contributive que chacun de leurs établissemens