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sans aucune aide étrangère, ils ont été capables de conduire des bateaux à vapeur sur les côtes de l’Amérique. De si rapides progrès attestent chez le peuple japonais une énergie peu commune ; les reconnaître est un acte de justice, et l’on aurait tort de croire à un sentiment d’insurmontable antipathie qui l’éloignerait sans motif des Européens. Tout d’abord il a admiré leur force, leur audace, leur intelligence ; il a confessé volontiers leur supériorité, il a jusqu’à un certain point recherché leur alliance, et il ne demanderait peut-être pas mieux que de les aimer, s’ils daignaient lui rendre cette tâche un peu plus facile.


II

La ville de Nagasacki est située entre 129° 56’ longitude est et 32° 44’ latitude nord. Le climat y est sain et tempéré. Le thermomètre y descend rarement jusqu’à zéro, et les plus fortes chaleurs de l’été n’y dépassent pas 35° centigrades. La température moyenne de l’année à Nagasacki est à peu près la même que celle de Florence ou de Rome : on y trouve le printemps et l’été du midi de la France, et un hiver dont la douceur égale presque celui de Naples. Dans les mois de juin et de juillet, Nagasacki est inondée par des pluies torrentielles ; en général il y pleut beaucoup, et le petit observatoire météorologique qui, d’après le conseil de M. de Siebold, a été depuis 1844 érigé à Décima, constate que la moyenne des journées pluvieuses a été de cent huit par an. Nagasacki contient dix mille maisons et environ soixante-quinze mille habitans. Quant aux étrangers, dont le nombre ne dépasse pas cent ou cent vingt, ils demeurent hors de la ville, dans des quartiers dont j’ai parlé déjà, situés au sud et à l’ouest, et qu’on nomme Décima et Oora.

Décima, l’ancienne factorerie hollandaise, forme un îlot séparé de la ville par un canal que l’on traverse sur un pont de bois. Jadis on fermait tous les soirs une porte qui donne accès à ce pont, et les Hollandais, traités en quelque sorte comme des prisonniers, n’avaient plus, jusqu’au jour, la faculté de franchir les étroites limites de leur résidence. Maintenant il y règne sous ce rapport une liberté entière. Le temps passé compte néanmoins encore des panégyristes complaisans, et pour l’apprécier comme il convient, il faut en réveiller le souvenir chez les vieux résidens hollandais. On s’est fait en Europe l’idée la plus fausse de leur genre de vie et des conditions de leur présence au Japon. A ce sujet, j’en appellerai au témoignage