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à charmer les yeux. Loin d’être effrayé ou abattu par la grandeur du spectacle qui se déploie devant lui, l’homme éprouve une sorte de bien-être et d’épanouissement ; il s’avance plus fort, plus heureux au-devant de cette nature tout aimable, toute charmante, et, faisant taire en lui l’esprit de critique, il ne demande qu’à jouir en paix des beautés et des splendeurs dont elle est si prodigue.

L’amour de l’isolement, l’attachement aux choses présentes, d’où naît une certaine étroitesse de vues, la défiance des nouveautés et l’horreur des révolutions, ces différentes faces du caractère japonais s’expliquent d’elles-mêmes pour qui a pu voir la région où il s’est développé. Heureux dans la possession, indiscutée des richesses qu’ils ont reçues de la nature, les Japonais, on le concevra sans peine, n’ont eu besoin d’aucun effort pour mettre leurs goûts et leurs penchans dans un parfait accord avec ce que le pays et l’état de leur civilisation leur offraient. L’Occident et ses merveilles, le génie européen et ses hardis pionniers leur inspiraient une admiration mêlée de crainte. Ayant gardé le souvenir des troubles dont les premiers chrétiens venus au Japon avaient été la cause, ils estimèrent, non sans quelque raison, que ce qu’ils avaient à gagner au commerce des étrangers ne valait pas ce qu’ils risquaient d’y perdre, et leurs gouvernans, hommes sages, intelligens, souvent même fort instruits, ne se montrèrent que les fidèles interprètes de l’esprit national en répondant d’abord avec froideur aux avances que les représentans des nations occidentales s’empressèrent de leur faire. Cette réserve n’a pas suffi à garantir le Japon contre l’invasion étrangère. Dès que les Américains et les Anglais avaient résolu de devenir les amis des Japonais, il était impossible à ceux-ci d’échapper à l’étreinte de cette amitié redoutable. On voit maintenant ces nouveaux hôtes solidement établis sur tous les points du Japon ouverts au commerce étranger, et rien désormais ne pourra les chasser de la terre féconde dont ils ont, au nom de la civilisation et de leurs intérêts, entrepris l’industrieuse exploitation.

Autour de la baie de Nagasacki règne une grande animation. A l’entrée, masquée par la petite île de Papenberg, il y a deux villages dont les habitans se livrent à la pêche et à l’agriculture. En pénétrant dans le port, on aperçoit à droite des maisons de campagne et des chaumières éparpillées sur la croupe des collines. Puis s’étend en amphithéâtre la ville même, qui est vaste et agréable ; on la divise en trois parties : Nagasacki proprement dit, Décima, l’ancien établissement hollandais, et Oora, le quartier des étrangers. Nagasacki est situé dans une belle vallée de forme irrégulière et s’appuie à une chaîne de collines dont la hauteur varie de cinq cents à mille pieds. Ces collines enferment le paysage dans un horizon des