tées, s’adressent aux hommes du métier. L’enseignement et la diffusion n’exigent pas le même appareil scientifique. Brucker l’avait compris, lorsqu’il réduisit à un volume ses cinq in-quarto. Tennemann l’avait compris de même, quand il concentra en un seul in-octavo, traduit depuis par M. Cousin, la substance de ses onze volumes. M. Cousin avait le droit de suivre cet exemple, et le devoir d’offrir un guide sûr, lumineux, et commode à la curiosité qu’il a lui-même excitée en France. Pour compléter son livre sans le grossir démesurément, l’auteur a consigné dans des notes nombreuses et abondantes les résultats les plus précieux des récentes investigations poursuivies tant chez nous qu’à l’étranger, et le fruit de ses propres réflexions. Parmi ces notes, on remarquera celles qui ont trait à la philosophie orientale, au mysticisme alexandrin, aux travaux de Moïse Maimonide et de Roger Bacon, aux origines du panthéisme de Spinoza, aux rapports qui rattachent plus ou moins les idées de Leibnitz au cartésianisme. Quelques corrections discrètes, mais excellentes, ont été apportées par l’auteur à l’exposition des doctrines de Socrate, de Platon, d’Aristote, et de quelques modernes. En comparant ce volume avec le cours de 1829, et aussi avec les éditions précédentes, on verra comment un grand esprit sait se redresser, se modifier, se développer, tout en restant lui-même, et maintenir fermement ce que ni le plus sévère examen de conscience ni les efforts répétés de la critique n’ont pu lui faire abandonner.
Les lecteurs du traité sur le Vrai, le Beau et le Bien, accueilleront avec joie, nous l’espérons, cette Histoire générale, qu’anime partout un souffle libéral et généreux. Ce n’est pas ici le lieu de discuter quelques points particuliers sur lesquels on pourrait se séparer de l’auteur. Nous n’avons voulu que signaler un ouvrage unique en notre siècle et absolument nécessaire à tous les amis de la pensée, quelle que soit d’ailleurs l’école à laquelle ils appartiennent. Citons, en finissant, quelques belles lignes de la dernière façon, où les résultats de cinquante ans d’études sont proclamés avec l’autorité d’une science consommée et l’accent d’une mâle et noble conviction : «Non, la philosophie n’est point un caprice passager de l’esprit humain : c’est un besoin essentiel, vivace, indestructible, qui dure et s’accroît sans cesse, qui se montre aux premières lueurs de la civilisation et se développe avec elle dans toutes les parties du monde, sous tous les climats et sous tous les gouvernemens, qu’aucune puissance religieuse ou politique n’a jamais pu étouffer, qui a résisté et survécu à toutes les persécutions, qui par conséquent a droit enfin à une juste liberté, comme tous les autres besoins immortels de la nature humaine. Ou il n’y a plus de démonstration, ou l’histoire de la philosophie met celle-là au-dessus de toute controverse. »
CHARLES LÉVÊQUE.
V. DE MARS.