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peut-être même l’auraient-elles en grande partie accomplie, et, à certains égards avec un soin particulier de minutieuse exactitude; mais réduites à elles-mêmes, séparées de cette jeune doctrine qui, pleine d’ardeur et d’espoir, cherchait ses titres dans le passé et se sentait fortifiée par l’adhésion des plus admirables génies, l’érudition et la philologie auraient-elles communiqué à plusieurs générations une impulsion aussi féconde et suscité tant de travaux utiles ou remarquables? Il est permis d’en douter. Dans ce développement absolument nouveau chez nous des études historiques en philosophie, qui a commencé il y a un demi-siècle et qui dure encore, il faut bien avouer, malgré qu’on en ait, que le moteur était une conception, une pensée énergique et vivace, qui se transformera certainement, puisque ainsi le veut la loi commune, mais qui a triomphé de plus d’un vigoureux adversaire et qui reste debout.

M. Cousin n’a point écrit une histoire complète de la philosophie. Que ceux qui seraient tentés de le regretter n’oublient pas que l’éloquent écrivain a répandu la plus abondante lumière sur toutes les écoles et sur toutes les œuvres les plus importantes, et qu’une histoire de la pensée philosophique est réellement contenue, quoique disséminée et par fragmens, dans les diverses parties de son œuvre En 1828, lorsqu’il remonta dans sa chaire de la Sorbonne, où l’attendait un si prodigieux succès, il n’aurait pu s’aider de la grande histoire du docteur Henri Ritter, qui était à peine commencée; mais déjà il avait traduit une partie des Dialogues de Platon, édité les œuvres complètes de Proclus et de Descartes, étudié dans ses cours précédens Reid, Kant et l’école sensualiste. Il était donc, dès cette époque, assez savant pour avoir consulté directement les sources, assez riche pour n’emprunter qu’à lui-même et ne puiser que dans son propre fonds. Ainsi son Histoire générale de la philosophie, exposée à grands traits en 1829, était une production française et personnelle. Pendant les trente-quatre ans qui ont suivi, il n’a cessé d’accroître ses richesses. Il a terminé la traduction de Platon, interprété, avec ses élèves de l’École normale, le premier et le douzième livre de la Métaphysique d’Aristote, donné, en partie à ses frais, une magnifique édition d’Abélard, écrit des fragmens sur Roger Bacon, fouillé en tous sens la philosophie française du XVIIe siècle. Voilà comment M. Cousin a pu présenter au public le livre qui, sous le nom d’Histoire générale de la Philosophie depuis les temps les plus anciens jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, est dans l’ordre historique ce que l’ouvrage sur le Vrai, le Beau et le Bien est dans l’ordre théorique.

Quoique ce volume ait retenu la matière principale du cours de 1829, c’est, à beaucoup d’égards, un ouvrage, sinon nouveau, du moins très renouvelé, corrigé, singulièrement enrichi, et mis en harmonie avec l’état actuel de la science. C’est bien le résumé des immenses recherches de l’auteur, mais un résumé à la fois sobre et coloré, solide et attachant, tel qu’il devait être pour plaire et être utile aux esprits éclairés et à la jeunesse de nos écoles. Les profondes monographies historiques, les éditions commen-