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soit ouverte ou déguisée, disparaisse à jamais de notre civilisation européenne. En y renonçant volontairement pour lui-même, l’empereur François-Joseph a donné un utile exemple à ceux des autocrates qui lui survivent en Europe. Tous les témoignages s’accordent à reconnaître l’exactitude presque pointilleuse avec laquelle l’empereur d’Autriche remplit ses obligations de souverain constitutionnel. Un monarque anglais ne prendrait pas, dit-on, plus au sérieux le principe de la responsabilité ministérielle. Le prince qui a donné si longtemps des ordres absolus se fait aujourd’hui un scrupule de prendre, aucune initiative en dehors du contrôle de son cabinet et d’écrire une lettre sans le contre-seing d’un ministre. La loyauté que l’empereur a montrée dans la pratique du régime constitutionnel a été communicative; elle a été payée de retour par la confiance publique. De là ce mouvement dont l’Autriche nous donne aujourd’hui l’intéressant spectacle, cette bonne volonté, cette émulation, ce désir de bien faire, qui raniment peu à peu ce grand pays, et qui font pénétrer en lui l’espoir de relever en même temps sa prospérité matérielle et son influence morale.

Il n’était pas possible que l’Autriche prît cet essor intérieur sans que sa position en Allemagne en devînt plus grande. La solennelle manifestation de Francfort devait être naturellement la conséquence du succès du régime constitutionnel à Vienne. Le représentant le plus éminent du libéralisme autrichien est l’homme d’état que l’empereur a choisi depuis quatre ans pour son principal conseiller, M. de Schmerling. M. de Schmerling, en politique, n’est pas seulement Autrichien, il est Allemand. Le ministre de l’empereur d’Autriche en 1863 est l’ancien ministre du vicaire impérial de la confédération en 1849. Nous ignorons le plan de réforme du pacte fédéral qui sera soumis par l’empereur aux délibérations du congrès des princes allemands ; mais les antécédens de M. de Schmerling indiquent assez la direction de ses projets. Il s’agit évidemment de répondre au vœu le plus naturel et le plus généreux de l’Allemagne, de lui donner un grand organe dans lequel la nationalité puisse reconnaître son esprit et entendre sa propre voix. C’est un véritable parlement allemand que l’homme d’état de 1849 veut rouvrir à Francfort. Dans un parlement seul, l’Allemagne peut trouver la seule unité dont elle ait vraiment besoin, l’unité morale. La grande vertu d’une représentation parlementaire, c’est de créer l’unité morale en respectant les diversités naturelles. Là où existe une représentation parlementaire, on possède le nécessaire de la centralisation politique sans avoir besoin de s’asservir au mécanisme oppressif de la centralisation administrative et matérielle. Le jour où à Francfort un parlement aura remplacé la diète, où, au lieu de ces obscures, lentes et arides procédures, de cet esprit de chicane et de ce style de notaire qui distinguaient les insipides travaux des membres de la diète, on aura la parole vivante et sonore des hommes d’état et des orateurs, la pensée et la politique de l’Allemagne prendront dans les affaires générales du monde la part et l’in-