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pu admirer dans cette pastorale des temps primitifs les germes et les bégaiemens divins du style descriptif. C’est d’une naïveté sublime. Ce chœur délicieux a produit un grand effet. Après l’Alléluia du Messie, Mme Viardot est venue déclamer un air de l’opéra d’Alcina avec le talent sûr et vigoureux qu’on lui connaît, et la séance a fini par un chœur de Josué d’une puissante et majestueuse sonorité. Malgré quelques fautes commises cette année par M. Pasdeloup, malgré la faiblesse qu’il a eue de permettre à M. Vieuxtemps de jouer trois fois dans ses concerts et d’y exécuter de sa musique, qui ne saurait supporter le voisinage des œuvres des maîtres, malgré aussi la tentative peu heureuse de la symphonie de Schumann, que le public a si rudement accueillie, les concerts populaires de musique classique sont une institution qu’on imite déjà dans plusieurs grandes villes de France et de l’Europe, et qui fera vivre le nom de l’artiste courageux qui l’a fondée. Le programme si varié de la dernière séance donnée par M. Pasdeloup contient une leçon dont la Société des concerts fera bien de profiter.

À côté des deux grandes sociétés dont nous venons de parler, il existe à Paris, on le sait, plusieurs réunions d’artistes voués à l’exécution de la musique de chambre et de quatuor. Il faut mentionner d’abord la société de MM. Alard et Franchomme, qui tient ses séances dans les salons de M. Pleyel, où elle exécute depuis tant d’années la musique des grands maîtres avec une rare perfection. Le public que ces artistes d’élite réunissent autour d’eux tous les quinze jours est une minorité choisie de celui qui fréquente les concerts du Conservatoire. La société de MM. Maurin et Chevillard, consacrée d’abord à l’interprétation des derniers quatuors de Beethoven, poursuit aussi avec un succès évident sa noble mission. À la séance du 24 janvier, on y a fait entendre le quatuor en fa de Beethoven, qui n’est plus un problème pour moi, et puis un quintette de Schumann, composition singulière, où je n’ai remarqué que la marche et surtout un scherzo qui aient un peu d’originalité. L’admirable quatuor en ut, opéra 59, de Beethoven, avec la fugue finale qui est un prodige, a terminé la soirée. Les interprètes, qui font chaque année de nouveaux progrès, ont été à la hauteur de l’œuvre. On pourrait seulement désirer que M. Maurin eût un son plus ferme et plus rond, car il abuse parfois de cette sensibilité nerveuse qui altère la noblesse du style. MM. Armingaud et Léon Jacquard continuent aussi les belles soirées qu’ils donnent depuis huit ans avec un succès soutenu. À la séance du 11 février, M. Armingaud et Mme Massard ont exécuté avec un ensemble parfait la sonate de Weber pour piano et violon. Le beau quatuor en de Mendelssohn, dont l’andante et le morceau final sont les parties saillantes, a terminé la fête. En général, les séances de MM. Armingaud et Léon Jacquard, qui sont suivies par une fraction de la société du faubourg Saint-Germain, ont beaucoup d’intérêt. Il serait injuste de passer sous silence les soirées agréables que donne M. Lamouroux, un violoniste de goût et de talent. À la séance du 10 mars, l’artiste