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qui a toujours manqué un peu de grâce et de naturel, M. Vieuxtemps a paru, cette année, avoir perdu quelque chose de la largeur de style et de la plénitude de son qui caractérisaient sa manière. On a été frappé de la fatigue qu’il éprouve maintenant à rendre les difficultés de mécanisme qui l’arrêtaient si peu autrefois, et on a pu constater que ce grand virtuose manquait souvent de justesse dans l’attaque des sons supérieurs. Sa musique d’ailleurs n’est qu’estimable, et ne peut guère être entendue avec avantage à côté des chefs-d’œuvre des vrais maîtres. Cette séance (la seconde de l’année) s’est terminée par le beau chœur de Judas Machabée, oratorio de Haendel, que la Société des concerts a le tort de redire tous les ans. À la quatrième séance, on a exécuté avec une rare perfection la Symphonie Héroïque de Beethoven, puis un O saluturis en chœur de Cherubini d’un beau sentiment, et les divers fragmens du Songe d’une Nuit d’été de Mendelssohn, délicieuse fantaisie, où l’on remarque surtout l’allegro appassionato et le scherzo, partie délicate où le compositeur est toujours original. L’ouverture de Guillaume Tell a été le dernier épisode de la fête. Le sixième concert a eu un intérêt particulier. On y a entendu d’abord la symphonie avec chœurs de Beethoven, c’est-à-dire la conception la plus vaste qui existe en musique. Comme toutes les symphonies, celle-ci, qui est la neuvième et la dernière, est divisée en quatre parties. La quatrième partie, où les voix se réunissent aux instrumens, forme un tableau vaste et confus qui ébranle profondément l’imagination. L’exécution, de la part de l’orchestre, a été parfaite ; les chœurs et le quatuor chanté par Mmes Vandenheuvel-Duprez et Viardot, par MM. Warot et Bussine, ont été suffisamment rendus, surtout si l’on ajoute, comme il le faut bien, que ce quatuor de la neuvième symphonie est écrit par un barbare qui n’a jamais rien compris à la voix humaine. Après l’hymne d’Haydn, exécuté par tous les instrumens, Mmes Viardot et Vandenheuvel ont chanté le charmant nocturne de Béatrix et Bénédict, de M. Berlioz, que nous avons déjà eu l’occasion d’apprécier ici. L’ouverture du Jeune Henri, de Méhul, qui en vaut bien une autre, a mis fin à la fête. Au septième concert, qui a été également remarquable, on a exécuté pour la première fois une jolie symphonie de M. Reber. Cette composition distinguée, comme tout ce qu’écrit ce savant et ingénieux musicien, rappelle un peu la manière d’Haydn, sans pourtant qu’on puisse accuser M. Reber d’une imitation servile. M. Reber est un maître qui sait écrire et qui tire un excellent parti des idées fines et charmantes qui forment son domaine, qui n’est pas grand, mais qui suffit à lui faire une réputation solide dans l’opinion des connaisseurs. Un admirable chœur du Paulus, oratorio de Mendelssohn, a précédé le concerto pour clarinette et orchestre de Weber, qui a été exécuté avec une justesse parfaite par M. Rose, artiste de l’Opéra, et la séance s’est terminée par la symphonie en ut majeur de Beethoven.

Il est inutile de suivre la Société des concerts dans toutes les brillantes séances qu’elle a données cette année comme les années précédentes. Elle reste toujours la réunion d’artistes exécutans la plus parfaite qu’il y ait