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Corrége, qui est au palais Borghèse, la Galatée de Raphaël, qui est à la Farnesina, sont chastes; en elles, tout peut être avoué. Ce sont des déesses, et elles n’ont rien des provocations de la femme. Sans remonter si loin, nous avons eu sous les yeux les œuvres d’un peintre contemporain qui bien souvent, et par prédilection, a peint des femmes nues. M. Ingres, dans l’Andromède, la Vénus Anadyomène, l’Odalisque, la Source, dans l’Age d’or, inachevé; du château de Dampierre, a traité la nudité dans toute sa splendeur, et jamais, par un seul trait, il ne s’est éloigné de la plus pure chasteté. C’est donc avec peine que nous voyons les peintres s’engager dans les erreurs qui les ont tentés aujourd’hui, car, une fois entraînée sur cette pente, la peinture en arrivera promptement, par la loi fatale de la vitesse acquise, à des œuvres qui n’ont plus de nom dans la langue honnête. Il suffit d’avoir vu et regardé une seule des colonnes du Parthénon pour comprendre combien l’art était chaste aux belles époques de la Grèce. C’est seulement par la décadence que les artistes de l’Hellade sont tombés dans ces représentations sensuelles dont parlent les historiens, et qui pour la plupart n’étaient que des fantaisies coupables commandées par de riches particuliers. L’art ne doit pas avoir plus de sexe que les mathématiques; le comprendre autrement, c’est le rabaisser à un tel niveau que les esprits sérieux s’en éloigneront. Qu’est-ce que la Vénus de Milo? Une admirable statue ; il faut une certaine réflexion pour comprendre qu’elle est femme.

C’est aux gynécées de l’Orient qu’il faut renvoyer les créatures qu’on nous montre aujourd’hui; elles n’ont rien à faire dans notre vie tourmentée, où la femme a sa grande et belle fonction à remplir. Si elle n’est que la tentation et la volupté, elle s’appelle Dalila et Omphale; qu’elle reste à l’antiquité, à qui je ne l’envie guère. Si elle est la récompense et le devoir partagé, elle est la femme de notre temps. C’est ainsi du moins qu’il faut nous la montrer. À ces Vénus qu’on peint avec tant de soin, l’on peut crier l’anathème d’Henri Heine : « Tu n’es plus qu’une déesse de mort, Vénus Libitina ! » car ce sont encore moins que des courtisanes. Je ne veux pas qu’on puisse se méprendre sur ma pensée et croire que je désirerais bannir le nu de la peinture : non point. L’être nu est l’être abstrait, il doit donc avant tout préoccuper et tenter l’artiste; mais vêtir le nu d’impudeur, rassembler dans les traits du visage toutes les expressions qu’on ne dit pas, c’est déshonorer le nu et faire acte blâmable.

Que de la Vénus barbue de Chypre, type primordial de la fécondité mâle et femelle, déesse androgyne née de la mer, symbolisant l’action génératrice du soleil sur l’élément humide, soit sortie la