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où elle est placée, on montre un tombeau de marbre blanc, un tombeau païen dont l’inscription grecque porte que saint Hippolyte y a été enseveli. Jusque-là, rien que de simple. Hippolyte a joui dans son temps d’une assez grande renommée. On a les titres, des fragmens, et quelques-uns de ses ouvrages. Nous sommes dans le pays où il a vécu, où peut-être il est mort, où dans tous les cas ses restes ont pu être rapportés avec respect. Sa statue et même son tombeau ont été trouvés dans les environs. Voilà bien d’un personnage historique les monumens authentiques et imposans.

L’idée d’une difficulté ne me vint que lorsqu’ayant fait quelques questions sur ce tombeau, dont l’existence ne m’était signalée nulle part, j’obtins pour réponse que c’était le tombeau de saint Hippolyte d’Ostie, comme si cette désignation, qui ne pouvait être que celle de l’évêque de Portus, s’appliquait à un autre personnage que celui de la statue. Il fallait donc que celui-ci ne fût pas réputé le seul Hippolyte, et en effet c’est la croyance commune à Rome qu’il y en a eu plusieurs. La légende parle d’un Hippolyte martyrisé à la suite de saint Laurent, vingt ans au moins après l’évêque de Portus, et c’est celui-là que le bréviaire romain a mis au calendrier. Puis un passage d’Eusèbe mal interprété a fait supposer qu’il y en avait un troisième, un évêque d’Arabie, contemporain des deux autres. Enfin, comme dans quelques martyrologes Hippolyte est simplement qualifié de presbyter, et que les trois autres étaient ou plus ou moins que prêtres, quelques auteurs ont été tentés d’en inventer un quatrième. Quant à celui-ci, on prouve très bien que ce qui est dit d’Hippolyte presbyter est identique à ce qui est dit d’Hippolyte évêque, et comme le nom de presbyterium était officiellement donné au concile épiscopal, au collège de suffragans qui élisaient et conseillaient le pape, les évêques suburbicaires, membres de droit de ce presbyterium, étaient éminemment nommés presbyteri. C’est ce qu’on appellerait aujourd’hui les membres du sacré collège. Pour l’évêque arabe, l’examen des textes prouve que son existence est une supposition hasardée, et dans tous les cas il n’aurait rien de commun avec l’Hippolyte de la statue, avec celui dont parle l’histoire.

Reste le compagnon de martyre de saint Laurent : or voici la difficulté. C’est près de la basilique de ce dernier que la statue a été trouvée, non loin des catacombes dites de Saint-Hippolyte. Une tradition veut que Laurent soit le premier martyr romain, ou plutôt le premier à qui une basilique ait été dédiée, et les actes de son martyre, auxquels ne se fient pas même Raronius et ses pareils[1], racontent

  1. Tillemont les déclare d’une fausseté insigne.