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V

Je ne crois pas m’être sensiblement écarté des idées qui prévalent aujourd’hui dans la science, car il y a, depuis le père Marchi, une vraie science des catacombes. Ce n’est qu’au XIXe siècle, chose assez étrange, qu’on s’en est sérieusement occupé, et il fallait pour y réussir, pour s’y livrer seulement, la révolution qui, au commencement du siècle, s’est faite, jusque parmi les catholiques, dans la manière de considérer la religion. Ce qu’on peut appeler le sentiment esthétique de la religion, développé et presque découvert par M. de Chateaubriand, a fait pénétrer dans l’église un peu de critique historique. Elle est revenue à ses plus beaux souvenirs, et, quoique l’archéologie soit loin d’être florissante à Rome, il y reste un antiquaire éminent que la foi ne peut désavouer, dont la science doit s’enorgueillir. M. De Rossi, quand on l’entend, intéresse l’esprit, persuade la raison, captive la confiance par la sûreté et l’originalité du savoir, par la clarté et la sagesse des interprétations, enfin par cette union d’une sagacité supérieure et d’une probité parfaite qui ne sont pas moins nécessaires l’une que l’autre à l’érudit digne de ce nom. C’est une bonne fortune que de pouvoir visiter avec lui ce musée religieux de Latran, dont il est le créateur ; nous allons y retourner sous sa conduite.

Des tombeaux et des inscriptions composent ce musée presque tout entier. Parmi les premiers, un sarcophage découvert près du confessionnal de saint Paul, et qui ne peut remonter plus haut que le règne de Théodose, donne, dès l’entrée, un excellent échantillon du symbolisme chrétien dans le dernier tiers du IVe siècle. Sur la face antérieure, une série de figures et de sujets forment un bas-relief compliqué et significatif d’une exécution assez rude. Ce sont d’abord trois Vieillards à peu près semblables. Un d’eux est assis entre les deux autres, dans l’attitude de la bénédiction. L’emblème est manifeste : c’est la Trinité. Elle est comme en action pour la création de l’homme. Puis un vieillard, évidemment une des trois personnes divines (on veut que ce soit le Verbe personnifié, mais bibliquement il me semble que ce pourrait être Dieu le père), se tient auprès d’Eve, nouvellement créée (je l’ai prise pour Adam), et plus loin le même personnage signifie à nos premiers parens l’arrêt de proscription qui suit leur péché. Cette première ligne de sculptures contient donc tout le fondement de la religion : la création et la chute. Au-dessous vient l’incarnation, comme l’effet suit la cause. La Vierge et l’enfant reçoivent les hommages des rois d’Orient ;