Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 45.djvu/878

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

saint Pierre risquait fort d’être imité encore plus souvent que son martyre.

La personne même du Messie se voit cependant quelquefois dans les catacombes. C’est tantôt la figure en pied d’un jeune homme en tunique, et peut-être alors n’est-ce qu’un symbole, la parfaite et éternelle jeunesse étant pour les anciens le signe et l’emblème de la Divinité ; tantôt, mais rarement, c’est une tête au visage un peu plein, plus âgée, d’une expression calme et douce, avec une barbe quelquefois très légère, les cheveux un peu longs, séparés sur le front à la nazaréenne, et qui ne s’éloigne pas absolument de la ressemblance traditionnelle du Christ. Il n’y en a guère que deux, l’un à Saint-Calixte, l’autre à Saint-Pontien, qui, par l’expression et le style, semblent satisfaire le goût moderne. La dernière a quelque chose de byzantin. On croit apercevoir dans l’une et l’autre quelque imitation du portrait tracé dans la fausse lettre de Lentulus. À Saint-Calixte encore, un profil en mosaïque, avec la barbe et les cheveux rubescens, figure juive et moutonnée, est plus curieux qu’agréable. Il n’y aurait de vraiment beau qu’un autre profil modelé en terre cuite, dont le dessin, et le caractère attesteraient soit une inspiration élevée, soit l’imitation d’un type dignement conçu et fidèlement transmis ; mais on ignore l’âge de cette précieuse image, qui n’appartient pas nécessairement aux catacombes, quoiqu’elle ait été trouvée dans le voisinage de celle de Sainte-Agnès. Dans les compositions où figure le Christ, il n’est pas caractérisé par des signes constans ni par la même physionomie[1]. Le nimbe est presque toujours absent, quelquefois il a été ajouté après coup. Très souvent Jésus est désigné par un manuscrit roulé qu’il porte à la main ou par deux cistes ou corbeilles dans lesquels les livres sacrés étaient placés. Enfant dans la belle peinture de Saint-Prétextat, il est presque partout ailleurs un jeune homme ; il est un vieillard dans la chapelle de l’agape de Sainte-Agnès. Il n’est guère représenté que discutant avec les docteurs, ressuscitant Lazare ou présidant à la cène. Le personnage de saint Pierre est constamment signalé par une tête chauve, un air de vieillesse, un bâton à la main. Paul, à Saint-Sixte, a des sandales et tient un volumen ou manuscrit roulé. Ailleurs il porte une épée. Les figures de la Vierge sont moins caractérisées et plus douteuses. La Mitertheu, comme elle est nommée au cimetière de la Madone[2], n’était pas alors la favorite de la peinture ainsi qu’elle l’est devenue. Il ne faut pas la chercher dans ces femmes dont les bras sont ouverts et les robes

  1. « Ipsius Domini facies carnis innumerabilium cogitationum diversitate variatur et fingitur. » (Aug., De Trin., IV.)
  2. Della Madonna della Stella, dans la Voie Appienne.