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scènes qui pussent assez exactement se rapporter aux dogmes dont on voulait une image parlante. On en prit dans l’Ancien Testament. On en prit dans le Nouveau, on en prit même dans la mythologie : Isaac sacrifié par son père ou Moïse faisant jaillir la source du rocher, puis le bon pasteur de la parabole rapportant sa brebis, puis Orphée attirant et apprivoisant à sa voix les animaux sauvages, purent être également la figure de Jésus-Christ. Il serait précieux de pouvoir dire par laquelle on commença de ces trois classes d’allégories. Ce qui se peut assurer, c’est qu’elles précédèrent toute représentation directe, tout portrait des personnes et des choses de l’Évangile ; mais lors même qu’on en vint là et qu’on essaya la peinture historique de la religion, on ne s’attacha pas à la ressemblance, on ne chercha pas la fidélité, et les figures du Christ par exemple furent pour la plupart aussi arbitraires que le sont les personnages bibliques des peintres hollandais. Jésus-Christ devint souvent un jeune Romain, désigné par certains accessoires ou par la composition du tableau à ceux-là seulement qui étaient avertis. Ce n’est que postérieurement et peut-être assez tard qu’on s’est rapproché d’un certain type nazaréen dont les catacombes nous offrent deux ou trois exemplaires encore assez différens entre eux ; mais pendant longtemps aucune pensée de réalisme, comme on dit aujourd’hui, ne parut se mêler à la peinture religieuse. La majorité des plus anciennes décorations des catacombes permettrait presque de supposer que pour ceux qui les ont exécutées le symbolisme chrétien est resté une énigme. On dirait que des hommes de métier ont été appelés à reproduire des types connus, des figures usuelles, dont la disposition seule avait un sens pour les initiés. Ils peignaient peut-être ce qu’on leur commandait sans en deviner la pensée secrète, la valeur emblématique. C’est ainsi crue dans la catacombe de Saint-Calixte un Christ enseignant est assis au milieu d’auditeurs de tout âge, comme lui en costume romain, semblable de tout point à un rhéteur dans son école, et le tableau est entouré en demi-cercle d’une vigne dont les fruits sont recueillis par des génies. Le premier artiste venu aurait pu, quelle que fût sa religion, dessiner cette grande composition.

C’était encore une idée païenne que la jeunesse fût l’attribut de la Divinité, et la personne du Christ a été rajeunie quelquefois, comme dans le tombeau de G. Bassus, préfet de Rome, mort vers 359[1]. D’autres fois aussi on a emprunté les détails de la chevelure et certains accessoires aux images classiques de Jupiter, comme

  1. Il a été découvert en 1595 dans la partie la moins ancienne des grotte vaticane, siège du confessionnal de saint Pierre.