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fable gagna du terrains sur l’Évangile. Les écrivains de Rome eux-mêmes, ces orthodoxes de parti-pris, ne savent comment, dans les traditions de toutes leurs églises, faire les parts entre la vérité, l’utilité, la crédulité et l’imposture.

Le fait certain, c’est que les catacombes ont été par suite livrées à un pieux pillage. Une dévotion remuante profana le plus vénérable des monumens du christianisme, et quoique jusqu’au VIIIe siècle les pèlerins vinssent à Rome surtout pour visiter ces cryptes saintes, pour en baiser la terre humide, pour y demander, le front sur la pierre, des grâces souvent imprudentes, pour tracer sur les parois leurs noms ignorés qu’on y peut lire encore, ce palais sépulcral de la foi, vidé par les pontifes eux-mêmes, puis par eux fermé et oublié, est resté presque jusqu’à nos jours comme s’il n’était plus.


III

Si, maintenant qu’il est rouvert, nous voulons y descendre, l’impossibilité de le parcourir tout entier doit nous faire donner la préférence aux catacombes de Saint-Sébastien et à celles de Sainte-Agnès. Les premières sont les plus célèbres et les plus anciennement connues ; mais les secondes sont le meilleur exemplaire de la disposition générale et du véritable emploi de ces asiles, sanctifiés par le respect universel.

Ce cimetière en effet, qui s’ouvre dans un champ non loin de Sainte-Agnès hors des murs, et où l’on descend par des degrés souterrains comme dans un caveau, montre dès le premier coup d’œil que ces lieux ont été pour les chrétiens ce qu’étaient pour les païens les columbaria. Dans ces étroits passages, des populations fugitives n’auraient pu s’abriter que pour un peu de temps. Les celles latérales qu’on rencontre à peu de distance de l’entrée ressemblent plutôt à des oratoires domestiques ou à des caveaux de famille qu’à des églises. Là plus grande de ces chapelles se compose de cinq chambres, de deux mètres de côté. Si, comme on veut le supposer, deux de ces chambres ont servi à l’instruction des catéchumènes, ceux-ci, les sexes restant séparés, ne pouvaient être dans chacun qu’en bien petit nombre, et des locaux aussi resserrés n’auraient pu être creusés pour l’usage des vivans qu’à une époque reculée, où les chrétiens, encore rares, se réunissaient par petits groupes et ne formaient que des cénacles. C’est dans une de ces chapelles, dite celle de Jésus-Christ au milieu de ses disciples, qu’une peinture assez remarquable recouvre le plafond en coupole surbaissée. C’est une composition à huit compartimens séparés par des feuillages. Adam et live, Moïse, Jonas, etc., y sont représentés, et au centre le