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même, il y a assez peu d’inscriptions et de peintures décidément antérieures au IVe siècle. Le tombeau de saint Alexandre, pape et martyr en 117 ou 119, a été découvert il y a dix ou douze ans à six milles de Rome sur la Via Nomentana ; mais on en a contesté, j’ignore pour quelles raisons, l’attribution ou la date. Des catacombes plus anciennement connues on a cité longtemps deux épitaphes, l’une du règne d’Adrien, l’autre de celui d’Antonin, ou de 130 et de 160. La seconde exprime, avec un trouble pathétique et des paroles sans suite, l’angoisse des familles chrétiennes dans les temps de persécution ; mais la critique moderne trouvé ces inscriptions trop éloquentes et les rejette comme apocryphes. À ces épitaphes d’un obscur Marius, d’un inconnu Alexandre, elle en préfère de plus historiques, celles qui consacrent la mémoire des papes Urbain, Fabien, Corneille et d’autres du même temps, c’est-à-dire du IIIe siècle, quoiqu’elles puissent à la rigueur dater du pontificat de saint Damase, monté sur le trône de saint Pierre trente ans après Constantin (366 ?). À cette époque, les catacombes changèrent d’aspect. Les emblèmes chrétiens, les souvenirs d’édification, les croyances populaires, les images du Christ et des apôtres, tout se produisit avec plus de liberté. Des restaurations pieuses ajoutèrent les nouveaux signes symboliques à la timide expression du zèle et de la foi des générations précédentes. Les catacombes purent continuer à servir de sépultures jusqu’à la fin du VIe siècle ; mais en même temps les formes du culte, qui s’étaient établies dans ces obscurs refuges, sont transportées en plein air. Les niches en arceaux, les autels en tombeaux, la commémoration des morts, peut-être même les rites qui rappellent la cène et la croix, remontent sur la terre, et l’architecture même des basiliques se modifie et se règle au grand jour sur les usages des chapelles souterraines. Les fêtes du culte conservent un souvenir funèbre ; l’église s’élève sur le tombeau.

Rappelons-nous en effet que les premiers monumens du christianisme ne parlent point d’églises (j’entends ces maisons sacrées que nous appelons ainsi). Il n’y avait de lieu saint à Jérusalem que le temple, qui n’était pas un édifice chrétien. Les apôtres se réunissaient dans une maison. C’est dans une maison que se célébraient les repas, commémoration sacramentelle de la cène. Si nous suivons l’apôtre dans ses voyages missionnaires, nous le verrons prêcher la religion dans les synagogues et dans les basiliques qui étaient des bâtimens civils, souvent dans une chambre et dans sa propre maison[1]. Nous n’avons pas de sanctuaires ni n’autels, dit au IIIe siècle Minutius Félix : delubra et aras non habemus. On ne

  1. Act. II, 2 ; XI, 7, 8 ; XXVIII, 40, 41, et passim.