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tombeaux, surtout ceux des personnages distingués. Ce ne fut que la continuation de ce qui se pratiquait dans les catacombes, dont certaines dispositions locales sont encore imitées dans nos temples. Puis les tombeaux furent seulement appuyés à la muraille ; d’autres, particulièrement honorés, furent placés sous la pierre de l’autel, lorsque ce ne fut pas l’autel qu’on éleva sur la sépulture. Enfin on creusa dans l’épaisseur des fondations de l’autel, sous le pavé du chœur, puis de la nef elle-même, des places vides où des cercueils furent scellés sous les dalles. Des chapelles votives, autre souvenir des celles attenantes aux galeries des catacombes, furent pratiquées dans le pourtour de l’église, pour devenir la dernière demeure du saint qu’on y invoquait, du bienfaiteur qui l’avait fondée, du pasteur qui l’avait sanctifiée, ou de quelque famille puissante dont on voulait célébrer la mémoire ou reconnaître le patronage. De tous ces usages, qui expliquent comment s’est altérée la simplicité primitive de l’ancienne basilique, le plus fâcheux fut l’abus de ces chapelles latérales et secondaires. Il enrichit et il corrompit l’architecture catholique. Le culte, rendu par là plus commode pour la foule croissante des assistans, perdit de son caractère apostolique. La parole joua un rôle moins important ; la croyance même en fut modifiée. Moins spirituelle dans son essence, elle fut moins évangélique dans ses formes. La présence émouvante du tombeau des martyrs dans les souterrains qui portaient leurs noms avait pu toucher les cœurs à l’égal des traditions de l’Écriture, et peu à peu élever la dévotion des reliques et des saints au même rang que la commémoration des récits sacrés. La liturgie des catacombes s’était chargée ainsi de souvenirs et de rites inconnus aux apôtres. Elle se reproduisit à ciel ouvert, lorsqu’on put célébrer le sacrifice symbolique dans ces oratoires élevés en mémoire des confesseurs de la foi sur le lieu même de leur mort ou à l’entrée de leur tombeau. Ces oratoires devinrent des églises, et s’agrandirent avec les nécessités du culte enfin public ; mais les cérémonies gardèrent l’empreinte funèbre : les lampes et les cierges attestent encore qu’elles avaient pris naissance dans une nuit souterraine. Les cryptes des églises furent des catacombes bâties, et lorsque la mort les eut peuplées, elle s’empara du chœur, de la nef, des porches, des vestibules, des cloîtres, de l’atrium et de la terre même qui entourait l’église (church-yard). Les sépultures furent partout, et nos temples sont ainsi devenus la demeure des morts en même temps que la maison de Dieu. Et voilà aussi comme un jour les catacombes ont été abandonnées et fermées.