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avouer que c’est dans ces momens que j’ai le plus souffert au Brésil. Ces incendies durent ordinairement six semaines ou deux mois. Commencés en juillet ou en août suivant la latitude, ils doivent être terminés dans le courant de septembre ou d’octobre, afin qu’on ait le temps de planter et d’ensemencer avant la saison des pluies.

Avant d’arriver à une fazenda, le voyageur, en observant les terres cultivées qu’il traverse, peut déjà se rendre compte des diverses formes que revêt l’exploitation du sol au Brésil. Les cafiers, les cannes à sucre, les cotonniers appellent successivement son attention.

La culture la plus importante du Brésil est sans contredit celle du cafier. Cet arbre ne s’élève pas très haut. Les feuilles rappellent assez celle du laurier, tout en étant plus petites et plus écartées. Les plants sont rangés en ligne le long des mornes, comme les vignes des coteaux bordelais, seulement plus espacés. Le cafier ne commence guère à entrer en rapport qu’au bout de quatre ou cinq ans. Après une vingtaine d’années, la sève s’épuise ; mais si l’on coupe les branches, opération qui donne une nouvelle énergie au tronc, on obtient encore dix années de récolte. Les fleurs du cafier sont blanches, à cinq pétales, et disposées en grappes ; le fruit, quand il commence à mûrir, ressemble à une petite cerise rouge. Le goût de l’enveloppe n’est pas désagréable ; dès qu’elle noircit, les graines sont mûres, et l’on fait la récolte. À mesure qu’ils sont détachés de l’arbre, les fruits sont portés sur une aire placée d’ordinaire devant l’habitation ; là le soleil sèche les graines et achève de noircir l’enveloppe. Après quelques jours d’exposition en plein air, on les porte sous des pilons de bois mus par une roue hydraulique. Chaque fruit contient deux graines juxtaposées par leurs surfaces planes et retenues par l’enveloppe. Le mouvement de va-et-vient des pilons sépare facilement la graine du péricarpe. Il ne reste plus qu’à passer au crible. Les grains les plus gros et les plus mûrs sont rais de côté et réservés pour l’usage du fazendeiro. Trois ou quatre années d’emmagasinage leur donnent une force et un arôme dont les Européens n’ont aucune idée. La grande occupation des nègres entre l’époque des semailles et celle de la récolte est le sarclage des plantations. Il faut avoir vécu sous les tropiques pour se rendre compte de la rapidité et de la puissance qu’acquiert la végétation dans la saison des orages, lorsque l’eau, le soleil et l’électricité ruissellent de toutes parts. Sucre, café, coton, seraient rapidement étouffés par le capim (mauvaises herbes), si on ne se hâtait de l’arracher.

Le café épuise le sol. Un terrain qui a alimenté une plantation de cafiers pendant vingt ou trente ans est une terre complètement