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des points sur lesquels s’est exercée depuis la thermo-dynamique. C’est lui qui introduisit pour la première fois dans la science le terme d’équivalent mécanique de la chaleur. Malheureusement Mayer travaillait seul, sans grand souci de répandre ses idées. Ses mémoires n’eurent pendant longtemps qu’une publicité fort restreinte. Aujourd’hui même, ils sont encore peu connus sons leur forme originale. « Vous désirerez sans doute, disait M. John Tyndall dans une récente leçon de physique à Royal Institution, vous désirerez savoir ce qu’est devenu cet homme éminent. Sa raison l’abandonna ; il devint fou et fut enfermé dans une maison d’aliénés. Il est dit dans un dictionnaire biographique allemand qu’il y mourût ; mais c’est inexact : il a recouvré la raison, et il vit actuellement, tout à fait retiré, à Heilbronn. »

Les travaux de M. Joule ne restèrent pas, comme ceux de M. Mayer, confinés dans un cercle restreint. Ils eurent dès leur origine un grand retentissement. Développés dans des leçons publiques a la manière anglaise, appuyés d’expériences mémorables qui frappèrent tous les esprits, discutés et commentés par le monde scientifique tout entier, ils eurent une influence décisive sur les destinées de la thermo-dynamique. Le premier mémoire de M. Joule est de 1843 ; il contient des recherches sur la chaleur dégagée par les courans induits et sur les lois suivant lesquelles varie cette chaleur quand un travail est développé. Les célèbres expériences sur la dilatation des gaz sont de 1845 ; Enfin en 1850 parut dans les Transactions philosophiques un mémoire qui peut passer pour le manifeste de la nouvelle doctrine thermo-dynamique.

Autour des deux noms de Mayer et de Joule, on peut grouper ceux de MM. Colding, William Thomson, Helmholtz, Zeuner, Clausius, Macquorn, Rankine, Holtzman. Comme on le reconnaît par ces noms divers, la théorie nouvelle s’est faite surtout à l’étranger. Elle est plus récente en France ; qu’en Allemagne et en Angleterre. On a pu voir cependant dans les pages qu’on vient de lire qu’elle s’est enrichie des travaux de plusieurs Français ; mais, entravée par quelques malentendus, elle ne s’est vulgarisée chez nous qu’avec lenteur. Ce n’est que depuis deux ou trois ans qu’elle s’est produite dans notre haut enseignement, dans le cours de physique générale de M ; Victor Regnault au Collège de France, dans les leçons de mécanique de M. Bour à l’École polytechnique, dans les leçons de physique de MM. Sénarmont et Jamin à la même école. L’exposition publique qu’en a faite M. Verdet contribuera sans doute à lui donner définitivement droit de cité chez nous et à l’introduire, dans les arts industriels aussi bien que dans la science, comme une vérité pratique et usuelle.


EDGAR SAVENEY.