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Il nous reste à parler d’un trait caractéristique des élections de 1863 : le choix des candidatures éclatantes. Quand les circulaires ministérielles, les proclamations des préfets et les journaux officieux dénoncent dans le mouvement actuel une manœuvre des anciens partis, on cherche surtout un prétexte à cette accusation dans les noms des anciens hommes d’état et des anciens orateurs autour desquels les électeurs de nos grandes villes ont voulu se rallier. Ce prétexte peut servir à la polémique électorale ; mais ceux qui en font usage auraient grand tort, si, une fois sortis du feu de la lutte, ils persistaient à le prendre au sérieux. Nous ne sommes point, quant à nous, suspects de tendresse pour la gérontocratie. Convaincus que la presse ne peut remplir sa mission et être utile qu’à la condition de conserver envers tous l’indépendance de ses jugemens, nous n’avons jamais fait dégénérer l’amitié politique en molle complaisance et en puérile adulation. Pleins d’estime et de déférence pour les grands talens et les vieux services, nous n’oublions point que les organes de la presse ne doivent pas être attachés aux hommes éminens qu’on appelle des chefs politiques par des liens de discipline ; mais nous savons que notre premier devoir est de représenter vis-à-vis de ces hommes les vœux et les exigences de l’opinion publique, de laquelle la presse doit uniquement relever, si elle veut conserver sa dignité et sa valeur. Professant de tels principes et ayant l’habitude de les appliquer, nous nous sentons à l’aise pour rectifier l’interprétation erronée que la presse gouvernementale s’efforce de donner aux candidatures des anciennes illustrations parlementaires.. Cette interprétation n’eût été juste que si les hommes éminens auxquels on fait allusion, MM. Thiers, Rémusat, Berryer, Dufaure, Odilon Barrot, Marie, eussent devancé par leur impatience les vœux des électeurs ; nous eussions, pour notre compte, regardé une telle impatience comme une faute, et, pour la prévenir, nous n’avons pas craint de faire un effort qui nous était pénible parce qu’il pouvait être désagréable à des hommes que nous respectons. À nos yeux, pour que le mouvement électoral eût une véritable signification et une force réelle, il fallait lui laisser sa spontanéité naturelle. C’est aux électeurs, disions-nous, d’aller chercher les candidats, et non aux candidats considérables de briguer longtemps d’avance le choix populaire. Les choses se sont passées comme nous l’avions désiré. Il n’est ignoré aujourd’hui de personne qu’il a fallu remporter une véritable victoire sur M. Thiers pour lui faire accepter la candidature. Tout le monde sait que le parti de M. Berryer avait la plus vive répugnance à prendre part aux élections ; M. Marie n’a jamais passé pour être très avide de la députation. Quant à M. Dufaure, qui a montré dans cette occasion une hauteur et une dignité de caractère qu’on ne saurait trop louer, il n’a cédé qu’à la dernière heure aux instances dont il était l’objet. Les grands candidats ont donc été demandés, ils ne se sont pas offerts, Il importait à leur honneur comme hommes publics qu’il en fût ainsi ; mais cela importait aussi au sens des élections et à l’efficacité du mandat qui pourra leur être donné. La façon dont les électeurs les poussent vers