Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 45.djvu/745

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’un seul et même mot dans toutes les bouches : la liberté. Telle est la légitimité et la vertu de l’aspiration purement libérale, qu’elle a communiqué une modération imposante aux manifestations de toutes les nuances de l’opposition. Cette modération unanime des libéraux de toute nuance est un des signes du mouvement actuel qui méritent le plus d’être pris en considération par les hommes d’état. On ne saurait, à ce point de vue, constater avec trop de satisfaction le ton élevé et généreux qui a distingué les écrits du parti dont on a si souvent redouté les exagérations, le parti démocratique. Il faut citer, entre autres, les circulaires publiées par MM. Carnot, Charton et leurs amis, comme présentant ce mélange réconfortant d’idées nobles et de sentimens modérés. La profession de foi d’un ouvrier typographe, M. Blanc, qui se présente dans la première circonscription de Paris, a révélé au sein des travailleurs une grande justesse d’appréciations, une remarquable netteté de vues unie au plus sage esprit de conciliation. Ce sont les bons jours de la vie politique que ceux où des opinions qui en d’autres circonstances s’étaient combattues avec une folle violence reconnaissent que leur hostilité n’avait été qu’une méprise, et qu’elles ont le droit de s’allier dans un même sentiment d’estime et de confiance. Une autre publication émanée d’un groupe bien différent a produit une sensation profonde : nous voulons parler des instructions que plusieurs archevêques et évêques ont adressées aux électeurs catholiques. On n’a pu se méprendre sur la signification libérale de ce document dans les circonstances présentes. L’acte des prélats qui ont pris ainsi la parole ne peut que servir dans leur sphère légitime les intérêts du catholicisme. C’est en tout cas une rupture honorable avec l’absolutisme grossier auquel l’Univers avait associé la politique du clergé en 1852. Enfin il se dégage des diverses circulaires un ensemble de critiques sur la politique courante que des esprits sensés et positifs ne sauraient dédaigner. Partout on a demandé le respect et l’extension des franchises municipales, notamment la nomination des maires par les électeurs ; partout les candidats ont signalé la charge qu’impose aux populations une levée annuelle de cent mille hommes ; partout on s’est plaint, en ayant le Mexique à la pensée, des expéditions lointaines ; partout enfin on a signalé recueil des finances embarrassées par les budgets dispendieux. Ce ne serait pas donner une explication satisfaisante de l’unanimité de ces critiques que d’y voir la répétition d’un mot d’ordre. Les circulaires des candidats ne sont point des documens qui prétendent imposer au public des opinions individuelles préconçues. Le but et l’art, dans ces écrits, sont au contraire d’y réfléchir, comme en un miroir, les idées, les plaintes, les vœux qui flottent dans la conscience publique. Les hommes politiques y doivent donc voir un reflet approximatif des opinions générales ; ce sont pour eux autant de pièces d’une enquête librement entreprise sur les dispositions de l’esprit public par des personnes qui ont un intérêt particulier à bien démêler et à exprimer avec exactitude ces dispositions.