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à l’occasion qu’une bien grande « incertitude » plane sur les « anciens miracles reçus par l’église, » et qu’il est fort heureux que tout le monde ne soit pas capable d’aussi profondes réflexions que lui. Tant que la querelle du jansénisme et du molinisme reste « une querelle de religion dont la plupart des honnêtes gens de la cour et de la ville ne s’embarrassent guère, » Barbier trouve « quelque chose de plaisant à ces disputes de prêtres sur des choses qu’ils n’entendent et n’entendront de leur vie, » et il s’amuse au spectacle de la lutte, tout en pensant que « la vérité d’une religion est mal à son aise entre des partis qui cherchent à se détruire l’un l’autre. » Cependant, lorsque les miracles du diacre Paris, les assemblées de convulsionnaires et les refus de sacremens en viennent à « déranger le bon ordre, » lorsque le parti janséniste, grossi de tous ceux qui ne combattent la bulle Unigenitus qu’en haine du pape, des jésuites et de l’autorité royale, arrive à « composer les deux tiers de Paris, » Barbier se fâche et reproche au gouvernement de ne pas imposer un silence assez absolu à d’aussi dangereuses passions. Tracasser les fanatiques, il ne connaît pas d’autre moyen de les pacifier. En vain ce prétendu remède, capricieusement appliqué par le gouvernement de Louis XV, aura pour seul résultat d’aigrir, de rétrécir et d’exalter l’esprit janséniste : Barbier pourra bien reconnaître en passant qu’ « il aurait été peut-être plus sage, par politique pour l’état, de fermer les yeux sur toutes ces questions de pure théologie, d’être tranquille et de ne gêner personne, » mais il en reviendra toujours à son idée première, « qu’il est d’une conséquence infinie de punir ces zélés outrés en fait de religion, capables de faire de grands désordres. » Plus la secte janséniste regimbe contre les irritantes taquineries du pouvoir, plus il la rend responsable de l’agitation des esprits, et il finit par la regarder comme un odieux ferment de rébellion qui gâte tous les sentimens auxquels il se mêle, et qui est mêlé dans toutes les tentatives de bouleversement. L’animosité du public contre les jésuites prend-elle une forme violente : « S’il n’entrait pas là dedans du jansénisme, écrit Barbier, il n’y aurait que demi-mal. » Damiens cherche-t-il à tuer Louis XV : « On est obligé, dit notre chroniqueur, de convenir que Damiens est un fanatique, et que ce malheureux coup est une suite du système janséniste et des impressions dont ce parti a affecté le public et troublé les cervelles. »

La colère de Barbier s’allume moins facilement contre le parti philosophe que contre le parti janséniste. Bien qu’il applique sans cesse aux livres philosophiques l’épithète de « très dangereux, » il se rassure habituellement à la pensée que « cela n’est lu que par peu de personnes, » et qu’à la condition de ne pas attirer l’attention de la foule sur de tels écrits par des mandemens, des réquisitoires